«Les cars Macron sentent le sapin.» L’analyse a été livrée, cinglante, par la CGT-Transports ce mercredi, alors que l’ancien ministre de l’Economie officialisait sa candidature à l’élection présidentielle. Le syndicat réagissait à l’annonce de la faillite de Megabus en France : la compagnie d’autocars est en cessation d’activité et ses 175 salariés risquent le chômage.
Adoptée début juillet 2015 à l’aide de l’article 49.3, la loi «pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques» comportait deux mesures phares : la possibilité d’ouverture des magasins le dimanche et la libéralisation des lignes d’autocars. Ces dernières étaient régulées jusqu’alors pour éviter d’entrer en concurrence avec le chemin de fer. Les promesses des fameux «cars Macron» étaient nombreuses. Où en est-on, plus d’un an après ?

Emplois : le compte n’y est pas

22 000 emplois devaient être créés par l’adoption de la loi. Voilà le chiffre avancé par France Stratégie, sans préciser exactement l’échéance, dans son étude de janvier 2015 sur «l’ouverture de l’offre de transport par autocar», en pariant sur une augmentation du trafic de 50%. La commission s’est basée sur une observation des effets de la même libéralisation dans d’autres pays européens, comme le Royaume-Uni ou l’Allemagne.
Qu’en est-il aujourd’hui ? Le nombre d’emplois dans le secteur de la liaison routière régulière entre grandes villes est passé de 65 à 2 000, tranche ce vendredi la très officielle Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer). 1 350 créations d’emplois, donc, pour le moment très loin du nombre espéré.
En un peu plus d’un an, le secteur a par ailleurs vu s’opérer une rapide concentration. En 2015, cinq entreprises s’étaient lancées sur le marché : Flixbus, Isilines, Ouibus (filiale de la SNCF), Megabus et Starshipper. Seules les trois premières existent encore. Au début de l’été 2016, Megabus avait été racheté par Flixbus et Starshipper par Ouibus.

Des nouveaux trajets : oui, mais

Voilà pour le coup un réel succès de la loi Macron : la libéralisation des autocars a provoqué la création de «257 lignes régulières assurant la desserte de 193 villes et transporté 3,4 millions de passagers», comptabilise l’Arafer. Mais ces bons chiffres font-ils la preuve que ces nouvelles lignes ont comblé un réel besoin, ou que les usagers d’autres moyens de transport se sont déportés vers le car ?
En janvier 2015, la commission réunie par France Stratégie se voulait rassurante, posant que «la clientèle des lignes d’autocar est différente de celle du train». Et même, un rien enthousiaste, que les nouveaux autocars pourraient booster le chemin de fer : «Les lignes d’autocar interurbaines peuvent aussi compléter l’offre ferroviaire pour un trajet donné et accroître ainsi la demande de transport ferroviaire.»
L’Arafer relève ce vendredi que les liaisons les plus fréquentes concernent des trajets entre Paris et des métropoles régionales, et surtout trois d’entre elles : Lille, Lyon et Rouen. Il n’existait pas de transport routier régulier sur ces lignes, certes, mais bien des liaisons par train. Quoique encore relativement faible en terme de nombre de voyageurs transportés, «la nouvelle offre entre donc davantage en concurrence avec le transport ferroviaire», conclut l’autorité de régulation. Selon la CGT, la SNCF avait déjà perdu 250 millions d’euros lors du second semestre 2015 à cause de la mesure.

Des prix qui ne sont pas restés bas

Voyager pas cher, c’était aussi l’un des arguments pour vanter les nouveaux «cars Macron». La compétition entre les cinq compagnies de départ avait de fait abouti à une guerre des prix féroce. Megabus proposait l’offre la plus offensive, avec des billets à un euro – qui ne concernaient que quelques places par autocar. Pas de chance : l’entreprise a voulu «se développer en cassant les prix et se retrouve en situation difficile», commente aujourd’hui Emmanuel Macron.
Reste qu’aucune des trois entreprises survivantes n’est encore rentable. La normalisation du marché qui se joue actuellement s’accompagne de l’augmentation des tarifs des liaisons. La poursuite de la hausse des prix est jugée inévitable par tous les professionnels du secteur.

Guillaume Lecaplain