samedi 12 novembre 2016

La nouvelle bataille de l’autocar

La large libéralisation du transport par autocar contenue dans la loi Macron aiguise les appétits pour ce marché qui avait commencé à s’ouvrir en 2009. La SNCF, avec ses Ouibus­, est notamment à l’offensive, quitte à concurrencer ses propres trains. Elle affronte sur ce marché Flixbus et Isilines. Explications.

 

 

Une libéralisation des cars longue distance

Pendant longtemps, le transport intérieur par autocar sur des liaisons régulières de longue distance était interdit en France. Du coup, il était par exemple impossible de prendre un car à Rennes pour se rendre à Paris. Et le client d'un autocar reliant Paris à l'Allemagne n'était pas autorisé à descendre en chemin à Strasbourg. En 2009, la législation a changé et le cabotage sur les liaisons internationales a été autorisé pour les transporteurs, à condition, toutefois, qu'il représente moins de 50 % de leur trafic et de leur chiffre d'affaires.
 
L'idée d'une libéralisation totale des dessertes nationales, souhaitée de longue date par les professionnels, avait en revanche à l'époque été retoquée, le gouvernement trouvant alors le développement du car peu compatible avec le Grenelle de l'environnement. Mais elle est finalement ressortie des cartons. L'équipe Valls a en effet décidé de libéraliser très largement le transport par autocar, une mesure appelée de ses voeux par l'Autorité de la concurrence et contenue dans la loi Macron, adoptée en 2015. Concrètement, depuis la rentrée 2015, il est possible de lancer de nouvelles lignes d'autocar pour les distances de plus de 100 km. Pour les lignes de moins de 100 km, les transporteurs doivent faire une déclaration à l'Arafer, l'Autorité de régulation des transports ferroviaires, dont la compétence a été étendue au car. Et c'est vers l'Arafer que peuvent se tourner les régions si elles estiment que ces liaisons de moins de 100 km viennent menacer l'équilibre économique des trains régionaux.
 
Cette nouvelle donne crée une concurrence pour les trains de la SNCF... Et offre une nouvelle jeunesse au car, moins rapide, mais plus économique et susceptible notamment de séduire une clientèle jeune. Un mode de transport jusqu'à présent un peu laissé de côté dans l'Hexagone, mais qui devrait donc se developper de plus en plus. En 2015, les autocaristes identifiaient cependant encore un frein de taille : le faible nombre et le confort limité des gares routières.
 
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Les transporteurs s'organisent

Acteur de longue date du transport par autocar en Europe, Eurolines, filiale de Veolia Transport (depuis devenu Transdev), a été le premier à se lancer sur le nouveau créneau du cabotage, à l'été 2011, en proposant une desserte française sur ses grands trajets internationaux. Au menu dans un premier temps, des Caen-Paris, Rouen-Paris, Rennes-Paris, Rennes-Rouen, Nantes-Paris et Angers-Paris, dans le cadre de voyages du Grand-Ouest vers l'Europe de l'Est. Dans la même maison, c'est Isilines, autre filiale de Transdev, qui opère désormais sur les lignes intérieures. En avril 2012, Mégabus, filiale du groupe britannique Stagecoach, a lancé à son tour une offensive choc, en proposant des Londres-Paris à partir de 1 euros, à bord d'une flotte d'autocars flambant neuve. Avec dans l'idée, à terme, de faire de l'ombre à Eurostar, filiale de la SNCF à 55 %. En mars 2015, il a inauguré des Paris-Toulouse. Megabus a ensuite été racheté par Flixbus - société allemande qui a annoncé en mai 2015, juste avant la libéralisation du secteur promise par la loi Macron, son intention de se lancer sur le marché français. A la même époque, des PME du secteur, fédérées sous la marque Starshipper, ont aussi commencé à prendre position, avant de faire alliance avec Ouibus . Sans compter, justement, la SNCF et ses Ouibus.
 
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La SNCF lance sa contre-attaque

Pour couper la route à Eurolines et Mégabus, mais aussi pour prendre des parts de marché à la voiture, quitte à concurrencer ses propres trains, la SNCF a lancé sa contre-attaque à l'été 2012. Juste avant l'ouverture des JO de Londres, l'entreprise ferroviaire inaugure - le 23 juillet - un service de desserte longue distance par autocar baptisé iDBUS. « Le projet est d'ouvrir un hub à Lille, à partir duquel nous desservirons les grandes capitales européennes : Paris, Londres, Bruxelles et Amsterdam dans un premier temps », expliquait quelques semaines plus tôt aux « Echos » Barbara Dalibard, directrice générale de SNCF Voyages. Les tarifs sont économiques - ils s'échelonnent par exemple de 49 à 65 euros pour un Paris-Londres. La SNCF étoffe ensuite peu à peu son offre. En septembre 2015, elle rebaptise des iDBUS Ouibus et donne un sacré coup d'accélérateur, annoncant le lancement dès 2016 de 130 lignes d'autocars articulées sur un réseau de 35 destinations en France. Avec pour objectif 4 millions de voyages Ouibus en 2016. Des ambitions qui font grincer des dents en régions, où l'on s'inquiète d'une concurrence directe de ces autocars pour certaines lignes de trains régionaux (TER).
 
Au global, le succès populaire est au rendez-vous pour ces nouvelles lignes d'autocar, avec 5 millions de voyageurs transportés en un peu plus d'un an, depuis la rentrée 2015. Pour l'heure toutefois, tous les acteurs qui se sont lancés sur ce créneau perdent de l'argent. Les prix pratiqués ne couvrent tout simplement pas les coûts de production.
 
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Une concurrence aussi pour le covoiturage
La libéralisation du transport interrégional par autocar n'est pas qu'une menace pour la SNCF. Elle développe aussi une concurrence nouvelle pour les entreprises de covoiturage, à commencer par BlaBlaCar, le leader incontesté du secteur. Elle va en effet permettre aux autocaristes d'enrichir le nombre de villes desservies, avec des tarifs (une vingtaine d'euros dans la plupart des cas) comparables à ceux du covoiturage. BlaBlaCar va devoir défendre ses parts de marché.

Source les Échos 


 

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