Au pays de la voiture reine (comme le rappelle opportunément le quotidien britannique The Guardian), les hommes et femmes politiques ne se bousculent pas pour évoquer l’avenir des transports en commun. A l’exception des discussions sur le coût des infrastructures et les partenariats que le président Trump voudrait établir pour les financer, le sujet mérite à peine quelques lignes dans les programmes des candidats aux élections locales.
Temps vs. prix.
Toutefois, tous les Américains, ainsi que les voyageurs qui ont
traversé les Etats-Unis, connaissent au moins deux entreprises de
transport terrestre. Amtrak dispose
d’un réseau ferré de 21000 miles (34000 kilomètres) sur lequel
circulent chaque jour 300 trains, et chaque année 30 millions de
passagers (par comparaison, la SNCF, c’est 32000 kilomètres, 14000
trains et plus d’un milliard de voyages). Les cars Greyhound desservent 3800 destinations et transportent 18 millions de passagers chaque année. D’autres compagnies, comme Megabus, proposent aussi des trajets réguliers.
Le train est réputé
cher, le bus bon marché. Mais le train est rapide, et le bus lent.
Voici Amtrak vs. Greyhound, à l’occasion d’un aller-retour entre la
capitale fédérale, Washington, et la principale ville de Pennsylvanie,
Philadelphie, distantes de 136 miles (environ 200 kilomètres).
Et en France? Le car Macron, pas cher, mais long et épuisant (novembre 2015).
1/ Trajet. Le train,
qui relie Lynchburg (Virginie) à Boston (Massachusetts) en passant par
Washington, Philadelphie et New York, comporte une douzaine de voitures
argentées, pour 300 passagers environ, et dotées de larges emplacements
pour les bagages. Il effectue de nombreux arrêts et marque sa
progression de sonores coups de klaxon. L’autocar qui relie Philadelphie à Richmond (Virginie) via Washington et Baltimore, peut contenir 55 passagers.
2/ Prix. Amtrak :
107$ (97€) l’aller simple, seconde classe. En réservant à l’avance, on
peut obtenir un tarif plus avantageux. On ne choisit pas sa place. Greyhound : 28,5$ (26€) l’aller simple, classe unique. Possibilité d’acheter un billet remboursable pour 6$ de plus.
3/ Gares. Washington et Philadelphie, comme New York, arborent de superbes gares du 19ème siècle, des bijoux d’architecture. Les
bus Greyhound utilisent la gare routière d’Union station, dans le
centre de Washington. A Philadelphie, la gare routière, un simple hall
sans âme, est située dans le quartier de Chinatown.
Et aussi: Palmarès (subjectif) des 20 plus belles gares de France (juillet 2016)
4/ Embarquement. Amtrak conseille
d’être présent au moins 20 minutes avant le départ. La longue file
d’attente s’étire dans la gare. Sur le quai, une fois qu’une voiture est
remplie, les portes se ferment et l’escalier d’accès se rétracte.
Malgré la vérification des billets au départ, le contrôleur repasse dans
le train après chaque arrêt, et s’adresse aux passagers qu’il n’a pas
encore vus (coucou la SNCF). Greyhound
demande d’être présent 15 minutes avant le départ. L’embarquement est
rapide, une fois que les passagers ont déposé leurs bagages dans la
soute.
5/ Durée et ponctualité. Amtrak :
2h pile entre les gares d’Union station (Washington) et 30th St.
(Philadelphie). Le départ est ponctuel, et l’arrivée à l’heure. Greyhound :
en principe 4h porte à porte. Le départ se fait avec 3 minutes de
retard, mais le car s’embourbe immédiatement dans les bouchons. Au
final, malgré des embouteillages récurrents et 30 minutes de pause à
Baltimore, le car n’aura que 20 minutes de retard.
6/ Confort. Amtrak
propose des sièges inclinables sans accoudoir au milieu, dotés d’un
large espace (voire encore davantage pour certains d’entre eux, obésité
oblige), d’une petite tablette et de prises de courant. Le wifi, réseau
Amtrak connect, fonctionne très correctement. On peut acheter et
consommer de la nourriture, du vin et de la bière dans le train. Les
toilettes sont spacieuses et propres. Greyhound dispose sièges
inclinables et prises électriques, mais en revanche ni rangement ni
tablette. Pas de wifi non plus. Alors qu’il fait 10°C dehors, la
température à bord alterne entre la climatisation poussée à fond (comme
en plein été) et le chauffage à blanc (comme s’il gelait). Du petit
cabinet de toilettes émanent les effluves vaguement sucrées d’un
puissant détergent…
7/ Ambiance. Amtrak :
les passagers travaillent, dorment, mangent ou parlent fort au
téléphone, en dépit de l’avertissement qui leur recommande de respecter
la tranquillité de leurs voisins. Greyhound :
une annonce (très) sonore précise qu’on ne peut ni fumer ni boire de
l’alcool. Aucune recommandation à propos du bruit. Comme dans le train,
les passagers n’hésitent pas à passer de longs coups de fil ou à
regarder des vidéos sonores sur leur téléphone.
8/ Paysages. Par les petites fenêtres du train on
aperçoit la nature prolifique, qui s’est parée des couleurs des
indiens. Le franchissement, sur de longs viaducs, de grandes étendues
fluviales ou maritimes, est toujours magique. On apprécie la diversité
de l’habitat périurbain, des lotissements cossus aux mobilhomes en
passant par des petits immeubles en brique de plusieurs étages. Sur les
devantures de quelques maisons, des affichettes proclament le choix de
leur propriétaire en faveur de Donald Trump ou d’Hillary Clinton. A travers les larges fenêtres du car,
on mesure l’immensité des banlieues commerciales, résidentielles et
logistiques qui bordent les autoroutes. Le paysage est ponctué de
motels, de parkings et de panneaux géants vantant les vertus d’un 4×4,
d’une assurance maladie ou d’un médicament diététique. Lorsque la nuit
tombe, le long ruban rouge et blanc traverse les forêts du Maryland. De
temps à autre, sur le côté, on aperçoit des voitures de police qui ont
rattrapé un contrevenant. C’est l’Amérique.
Conclusion.
Si le train est rapide et confortable, le Greyhound dépayse davantage,
donne l’impression de traverser l’Amérique (ou en tous cas un petit
morceau), alors qu’un voyage en Amtrak évoque surtout les lignes rapides
qui sillonnent l’Europe.
Olivier Razemon
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