dimanche 13 novembre 2016

Quel avenir pour le transport longue distance par autocar en France ?





INTRODUCTION
  1. Par décision du 26 février 2013, l’Autorité de la concurrence s’est saisie d’office pour avis sur le secteur du transport collectif de personnes, plus précisément sur le marché français du transport interrégional régulier par autocar. Cette procédure d’avis s’inscrit dans une démarche d’analyse du fonctionnement concurrentiel du marché concerné. Elle n’a donc pas pour objet de constater ou de sanctionner des infractions aux règles de la concurrence de la part d’acteurs de ce marché.
  2. Dans le cadre de l’instruction de la saisine, les rapporteurs ont entendu ou reçu des contributions des parties prenantes suivantes :
    • -  des représentants des bureaux traitants du transport routier au sein de la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) du ministère du développement durable, qui instruit et délivre les autorisations de dessertes intérieures en cabotage ;
    • -  des conseillers techniques de la Région Pays de la Loire et de l’Association des régions de France (ARF) ;
    • -  la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (FNAUT), fédérant des associations d’usagers de transports ;
    • -  la Fédération nationale des transports de voyageurs (FNTV), représentant les intérêts des autocaristes ;
    • -  le Syndicat des transports d’Ile-de-France (STIF) ;
    • -  les transporteurs Eurolines (VT Eurolines), iDBUS (SNCF-C6), Les Courriers Rhodaniens et Stagecoach Group ;
    • -  le groupe SNCF (SNCF Voyages Développements au sein de la branche « Voyages » du groupe et SNCF Participations) ;
    • -  le Groupement des autorités responsables de transports (GART) ;
    • -  l’Union des transports publics et ferroviaires (UTP) ;
    • -  la société COMUTO (service de covoiturage « blablacar ») ;
    • -  les services techniques transports de la région Provence-Alpes-Côte-D’azur.
  3. La réflexion des services d’instruction a également été enrichie par de nombreux rapports et documents publics, en particulier des rapports et données des organismes suivants : le Centre d’étude sur les réseaux, les transports, l’urbanisme et les constructions publiques (CERTU), le Service d'études sur les transports, les routes et leurs aménagements (Sétra) et le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) du Ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer. Enfin, un relevé d’horaires et de prix a été conduit concernant des services de transports par car et par train.
  4. Le présent document présente des conclusions préliminaires des services de l’Autorité de la concurrence sur le secteur, en vue de recueillir les réactions des opérateurs et parties prenantes à l’issue d’une phase de consultation publique. Cette consultation permettra d’apporter les éclairages nécessaires à l’adoption d’une position finale juste et équilibrée du marché du transport interrégional régulier par autocar, laquelle inclura les contributions des acteurs qui auront souhaité émettre des observations.
    1. L’ensemble des éléments factuels présentés dans ce document repose sur les déclarations reçues par les services de l’Autorité de la concurrence dans le cadre des rencontres précitées. Ils relaient également des observations faites dans les rapports et documents publics précités.
    2. L’Autorité de la concurrence invite toute personne intéressée à réagir aux développements, conclusions et questions exposés dans ce document de consultation publique avant le 16 décembre 2013, à 18h00.



    SECTION 1. LE SECTEUR DU TRANSPORT REGULIER LONGUE DISTANCE PAR AUTOCAR
    1. Jusqu’en 2011, les services non conventionnés de transport régulier interrégional par autocar étaient quasi-inexistants en France. Peu de données existent sur ce marché, le transport interurbain régulier par autocar n’étant pas distingué, statistiquement, du transport collectif urbain par autobus1. Cependant, une analyse de la mobilité longue distance des Français réalisée à partir de l’enquête nationale transports déplacements de 20082 fournit une première appréciation du poids de ce mode de transport. Cette étude indique que sur 358 millions de voyages longue distance3 réalisés annuellement (y compris donc les voyages à l’international), 75,2 % étaient réalisés en voiture, 17 % en train, 5,8 % en avion et 2 % en autocar, la part modale de l’autocar étant en net recul (elle était de 4,4 % en 1994). Une étude plus récente indique quant à elle une part modale du transport régulier longue distance par autocar en nombre de voyageurs/kilomètres de 1% en 20114.
    2. Ce faible développement de lignes routières nationales pouvait sembler en décalage, d’une part, avec la qualité du réseau routier et autoroutier français, et, d’autre part, avec le développement du transport low cost dans le secteur aérien en particulier, mais aussi dans le secteur routier dans d’autres pays d’Europe (au Royaume-Uni, en Suède ou en Espagne notamment5).
    3. L’article 38 de la loi n°2009-1503 du 8 décembre 2009 relative à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires, pris en application du règlement (CE) n°1073/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 établissant des règles communes pour l’accès au marché international des services de transport par autocars et autobus et prévoyant, dans ses articles 14 à 17, l’ouverture du marché européen du transport routier régulier de voyageurs au cabotage, marque la création d’un marché du transport interurbain par autocar en France.
    4. Cette première section vise à présenter l’évolution du cadre réglementaire du transport régulier interrégional en France (I) et à décrire la structure actuelle du marché et les caractéristiques de ses acteurs (II). 

    1 Cette distinction n’est par exemple pas opérée dans les Comptes des transports.
    2 La mobilité des Français, Panorama issu de l’enquête nationale transports et déplacements 2008, La Revue du CGDD, Commissariat général du développement durable, décembre 2010.
    3 Les voyages longue distance sont définis comme les déplacements à plus de 80 kilomètres à vol d’oiseau du domicile ainsi que les déplacements impliquant au moins une nuitée hors du domicile, ou à destination de l’étranger dans l’enquête nationale transport et déplacement du CGDD précitée.
    4 Estimation des dépenses unitaires selon les différents modes de transport en 2011, Etude FNAUT multi- clients, Décembre 2012.
    5 Pour une étude du secteur du transport de voyageurs par autocar en Europe, voir le rapport de la Commission Européenne du 19 juin 2009, TREN/E1/409-2007. 

    I. Le cadre réglementaire du transport régulier interrégional par autocar
    11. La présente partie s’attachera à présenter les offres « longue distance » ou interrégionales préexistantes à l’ouverture du cabotage (A), puis à examiner le cadre applicable aux services de « cabotage » sur des lignes internationales (B) et les modalités d’obtention des autorisations administratives préalables que ce cadre requiert (C). Sera enfin présenté succinctement le cadre applicable aux gares routières de voyageurs, structures et équipements indissociables des services de transports routiers et particulièrement nécessaires aux transports longue distance (D).
    A. LES SERVICES DE TRANPORT PAR AUTOCAR EXISTANT AVANT 2011
    1. Jusqu’en 2011, les seuls services interrégionaux de transport par autocar qu’il était possible d’exploiter en France étaient des services conventionnés par les autorités organisatrices de transport (ci-après AOT).
    2. Il pouvait s’agir de services :
      • -  sur des liaisons interrégionales (au nombre 128 en 2013) mises en place par des régions ou des départements en application des articles L. 3111-1 et L. 3111-2 du code des transports (hors liaisons TER et délégations de l’Etat). Certains de ces services interrégionaux sont organisés par une seule autorité organisatrice de transport (AOT), d’autres par plusieurs AOT de différents types, s’entendant pour conventionner, organiser ou autoriser ensemble le service ou certaines de ses dessertes ;
      • -  en substitution des trains TER desservant des régions limitrophes. Le code des transports prévoit alors que ces liaisons extrarégionales peuvent faire l’objet d’une convention entre les deux régions limitrophes (article L. 2121-6). Le rapport du CGEDD de 20106 fait notamment état du fait que ces liaisons extrarégionales sont « en règle générale gérés de manière pratique par une seule des deux régions » ;
      • -  sur des lignes (au nombre 3 en 2013) dites « d’intérêt national » (article L. 3111-3), c’est-à-dire des liaisons pour lesquelles l’Etat est censé être autorité organisatrice mais pour lesquelles il a convenu de délégations au bénéfice d’autres AOT. Seules trois lignes de ce type existent (deux liaisons entre la région Picardie et l’aéroport de Roissy, et une liaison entre l’aéroport de Beauvais et la porte Maillot à Paris). Les seules lignes déclarées aujourd’hui d’intérêt national sont donc des lignes interrégionales entre la Picardie et l’Ile-de-France. 

        6 Conseil général de l’environnement et du développement durable : services de transport d’intérêt national, Rapport n °007141-01, Ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, Octobre 2010. 

    B. L’INTRODUCTION DU CABOTAGE SUR LIGNES INTERNATIONALES ROUTIERES EN 2011
    1. Le transport international de voyageurs par autocar est ouvert en Europe depuis les années 1990, en application d’un ensemble de règlements européens7.
    2. Le règlement européen n°1073/2009 du Parlement européen et du conseil du 21 octobre 2009 établissant des règles communes pour l’accès au marché international des services de transport par autocars et autobus a consolidé et amendé ce cadre. Il a surtout ajouté la possibilité pour les transporteurs européens de fournir des services dits « de cabotage », entendu comme la possibilité de réaliser un transport intérieur dans le cadre d’une liaison internationale régulière. Le règlement européen le définit de la manière suivante : « la prise en charge et la dépose de voyageurs dans un même État membre au cours d’un service régulier international, dans le respect des dispositions du présent règlement, pour autant que ladite prise en charge et dépose ne constitue pas l’objet principal de ce service » (article 2, « définitions »).
    3. La réglementation française a intégré cette évolution par l’article 38 de la loi n°2009-1503 du 8 décembre 2009 relative à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires et portant diverses dispositions relatives aux transports. Cette disposition a été codifiée par la suite à l’article L. 3421-2 du code des transports. Elle ouvre donc depuis 2011 la possibilité aux autocars d’effectuer des transports de personnes entre deux points du territoire national dans le cadre de services internationaux réguliers.
    4. Sur un plan procédural, les services nationaux de cabotage sont autorisés en deux temps. Dans la mesure où ils en sont une composante, les services internationaux font tout d’abord l’objet d’une première autorisation préalable. Aux termes des articles 6 à 8 du règlement 1073/2009 précité, les demandes d’autorisation sont introduites auprès de l’autorité compétente de l’Etat d’établissement (l’« autorité délivrante »), qui a pour charge de relayer la demande auprès des autorités compétentes des autres Etats membres, desservis ou traversés.
    5. Les articles 6 à 8 du règlement prévoient que ces autorités ont un délai de deux mois pour donner leur accord ou émettre un refus motivé. Les motifs de refus possibles sont limitativement énumérés. L’absence de réponse vaut acceptation. La durée maximale de validité de l’autorisation est de cinq ans (mais elle peut être fixée à une période inférieure, soit à la demande du requérant, soit d’un commun accord par les autorités compétentes des États membres sur le territoire desquels les voyageurs sont pris en charge ou déposés). Cette procédure donne lieu, pour les transporteurs qui remplissent les conditions du règlement, à la délivrance d’une licence communautaire et d'une autorisation de transport régulier international de voyageurs, des documents dont l’obtention est un préalable aux demandes d’autorisations de cabotage national.
    6. Les services de cabotage, ensuite, sont également encadrés par un système d’autorisation préalable, par les Etats membres desservis. 

      7 Essentiellement : le règlement (CEE) n° 684/92 du Conseil du 16 mars 1992 établissant des règles communes pour les transports internationaux de voyageurs effectués par autocars et autobus ; le règlement (CE) n° 12/98 du Conseil du 11 décembre 1997 fixant les conditions de l’admission des transporteurs non résidents aux transports nationaux de voyageurs par route dans un État membre ; le règlement CE n° 561/2006 du parlement européen et du conseil du 15 mars 2006 relatif à l'harmonisation de certaines dispositions de la législation sociale dans le domaine des transports par route, modifiant les règlements (CEE) n° 3821/85 et (CE) n° 2135/98 du Conseil et abrogeant le règlement (CEE) n° 3820/85 du Conseil. 

    1. Concernant la France, l’article L. 3421-2 précité prévoit ainsi :
      « L'Etat peut autoriser, pour une durée déterminée, les entreprises de transport public routier de personnes à assurer des dessertes intérieures régulières d'intérêt national, à l'occasion d'un service régulier de transport routier international de voyageurs, à condition que l'objet principal de ce service soit le transport de voyageurs entre des arrêts situés dans des Etats différents.
      L'Etat peut limiter ou, le cas échéant, interdire ces dessertes intérieures si la condition précitée n'est pas remplie ou si leur existence compromet l'équilibre économique d'un contrat de service public de transport de personnes. Il peut être saisi à cette fin par une collectivité intéressée.
      Les dispositions du présent article sont applicables en région Ile-de-France.
      Le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 3421-10 fixe les conditions d'application du présent article et notamment les conditions dans lesquelles les autorités organisatrices de transport concernées sont consultées. »
    2. De manière synthétique, le cabotage est donc autorisé sous réserve :
      • -  que l’objet principal du service de transport soit le transport international de voyageurs entre différents Etats de l’Union européenne ; autrement dit que les dessertes en cabotage soient « accessoires » par rapport au service international ;
      • -  que l’existence des dessertes régulières intérieures ne compromette pas l’équilibre économique d’un contrat de service public de transport de personnes. Ceci peut notamment concerner des services ferroviaires ou routiers conventionnés.
    3. Le décret n°85-891 du 16 août 1985 relatif aux transports urbains de personnes et aux transports routiers non urbains de personnes, tel que modifié par le décret n°2010-1388 du 12 novembre 2010, précise notamment les critères d’évaluation du caractère accessoire des dessertes intérieures. Pour être autorisés, les services de cabotage doivent ainsi respecter les deux conditions cumulatives suivantes :
      • -  entre deux arrêts quelconques du territoire national desservis par ce service, le nombre de voyageurs sur une desserte intérieure doit être inférieur à 50 % du nombre total de voyageurs transportés par ce service entre ces deux points (cette proportion étant appréciée sur une période d’un an) ;
      • -  le chiffre d’affaires annuel du service provenant de l’ensemble des dessertes intérieures doit être inférieur à 50 % du chiffre d’affaires provenant du service de transport réalisé sur le territoire national.
    4. De plus, les dessertes de cabotage routier doivent :
      • -  concerner au moins deux régions, c’est-à-dire qu’il est interdit au transporteur de laisser monter et descendre des passagers nationaux entre deux arrêts au sein d’une même région ;
      • -  emprunter sur le territoire national, avec un même véhicule routier, le même itinéraire et les mêmes points d’arrêt que ceux des services réguliers internationaux auquel elles se rattachent8

        8 Ces deux conditions résultent des définitions des dessertes de cabotage (article L. 3421-2 du code et article 31-1, 4°, du décret). 

    1. L’article 31-4 de ce décret prévoit que les régions, les départements et le syndicat des transports d'Ile-de-France sont consultés par l'Etat, en leur qualité d'autorités organisatrices de transport de personnes, sur tout projet de desserte régulière routière intérieure d'intérêt national disposant d'arrêts situés dans leur ressort territorial. Ces autorités organisatrices disposent d'un délai de deux mois à compter de leur saisine pour « émettre un avis motivé sur l'impact éventuel de cette desserte sur l'équilibre économique d'un contrat de service public de transport de personnes existant ou en projet ». L'absence d'avis dans ces délais vaut avis favorable.
    2. L’article 31-5 prévoit notamment que l’Etat dispose d’un délai global de trois mois pour délivrer ou refuser d’accorder l’autorisation demandée.
    3. Par ailleurs, l’article 31-3 prévoit la remise par l’exploitant d’un rapport annuel par ligne, en vue de pouvoir justifier dans la durée du caractère accessoire du cabotage.
    4. Enfin, l’arrêté du 19 janvier 2011 précise diverses dispositions du décret précité, notamment le contenu et les formes des demandes d’autorisations, ainsi que les données requises aux fins du rapport annuel. Son article 4 prévoit notamment que l’autorisation est délivrée « pour une durée qui ne peut excéder celle restant à courir pour l'autorisation de transport régulier international de voyageurs à laquelle elle est rattachée ».
    5. Les procédures d’autorisation sont confiées à la Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) du ministère des transports. Elle délivre à leur issue des autorisations de dessertes intérieures (ci-après « ADI ») pour tout ou partie des origines- destinations horaires demandées. La mise en œuvre pratique de ces textes par la DGITM sera davantage détaillée ultérieurement.
    6. Il y a enfin lieu d’indiquer que l’obtention des ADI requiert que les demandeurs se conforment par ailleurs à diverses règles sectorielles d’accès à la profession : règles d’établissement, d’honorabilité, de capacité professionnelle et financière. Cette conformité est attestée par la délivrance de titres (autorisations d’exercer et licences) pouvant être contrôlés. Un transporteur demandant une ADI se doit ainsi de fournir notamment dans sa demande, outre les documents spécifiques au cabotage, une copie de la licence communautaire ainsi qu’une copie de l’autorisation internationale préalablement obtenue (article 2 de l’arrêté du 19 janvier 2011 précité). 

    C. LES MODALITES PRATIQUES DE LA DELIVRANCE PAR L’ETAT DES AUTORISATIONS DE DESSERTES INTERIEURES
    30. Les transporteurs voulant exploiter des dessertes intérieures en cabotage adressent un dossier au bureau de l’organisation des transports routiers de voyageurs « TR2 », au sein de la sous-direction des transports routiers de la DGITM (ci-après le « service en charge de l’instruction des demandes » ou « instructeur »), contenant, en cinq exemplaires :
    • -  La copie de documents attestant des qualités et autorisations préalables requises pour l’exercice de la profession et la fourniture de dessertes internationales (i.e. copie de la licence communautaire et de l’autorisation internationale) ;
    • -  Un formulaire identifiant le demandeur, et présentant, de manière normée (formulaire CERFA), la description des dessertes intérieures souhaitées, en précisant les fréquences et périodes d’exploitation, ainsi que la dimension d’aller- retour ;
    • -  Un document explicitant le nombre de véhicules mobilisés ;
    • -  Un document présentant le nombre de voyageurs estimés et les tarifs prévus pour chaque desserte intérieure, ainsi que le chiffre d’affaires prévisionnel, en distinguant la part relative aux dessertes intérieures et celles relatives au service international ;
    • -  Un document explicitant l’organisation interne mise en place pour fournir le rapport annuel sur les données d’exploitation prévu par l’article 31-3 du décret du 16 août 1985 modifié.
    1. A réception, le service instructeur ouvre un dossier de demande d’autorisation, identifié par un numéro d’ADI (exemple : ADI/2012/003). Il dresse la liste des AOT concernées par les dessertes souhaitées.
    2. Le service instructeur adresse à chacune de ces AOT un courrier portant demande d’avis. Il est accompagné d’une note résumant le cadre réglementaire précité et contient copie des documents constitutifs de la demande du transporteur, à l’exception du document relatif aux chiffres d’affaires et trafics prévisionnels. Il a pour objet de demander l’appréciation de l’AOT quant à l’impact des dessertes demandées sur les services existants ou en projet relevant de sa compétence, et notamment :
      • -  une estimation du trafic passager pouvant être affecté (notamment en nombre de voyageurs par an) ;
      • -  une estimation des conséquences financières pour l’AOT ;
      • -  une estimation des conséquences sur les compensations prévues dans les contrats de services publics en vigueur ;
      • -  une cartographie des services publics existants ou en projet du ressort de l’AOT.
    3. Le service instructeur obtient, d’autre part, l’avis de la « Mission Autorité organisatrice des trains d’équilibre du territoire » (MAOT), autre service de la DGITM (sous-direction des transports ferroviaires et collectifs et des déplacements urbains (FCD) chargé de représenter l’Etat en tant qu’autorité organisatrice des lignes d’équilibre du territoire exploitées par la SNCF dans le cadre de son offre « Intercités » (« trains d’équilibre du territoire » ou « TET »).
    4. Le service instructeur reçoit par la suite les contributions des AOT. Chaque dossier d’ADI contient ainsi une fiche résumant l’ensemble de ces retours : existence ou non d’un avis, position générale de l’AOT par rapport aux dessertes la concernant.
    5. Une fois les avis des différentes AO obtenus, le service d’instruction opère plusieurs synthèses et retient ou refuse les autorisations demandées.
    6. Le demandeur se voit par la suite adresser un courrier (signé pour la ministre et par délégation du directeur des services de transports), joignant l’autorisation de dessertes intérieures octroyée. Ce document présente les ODH autorisées et la durée de l’autorisation.
    7. L’appréciation de cette procédure, par les acteurs qui en font l’objet notamment, est présentée ci-après (§271 et suivants). 

    D. LES GARES ROUTIERES DE VOYAGEURS
    1. Les gares routières sont des éléments indissociables du service de transport, a fortiori pour des services longue distance. Seront successivement abordés des éléments de définitions (1), de compétences (2), et de modalités de gestion des gares routières de voyageurs (3). 

      1. UN REGIME JURIDIQUE ANCIEN
    2. Les gares routières de voyageurs sont des infrastructures d’accueil et de correspondances pour les voyageurs employant des services de transports collectifs routiers. Des réseaux de diverses envergures peuvent y converger, généralement les services de transports urbains en bus, de transports interurbains et longue distance en autocar également. Il est possible de parler de pôle d’échange ou multimodal lorsque d’autres modes y sont intégrés ou proches, comme les métros et tramways, ou les gares de voyageurs ferroviaires.
    3. Les gares routières font l’objet d’un cadre réglementaire ancien. L’ordonnance du 24 octobre 1945 prévoit que « constitue une gare routière de voyageurs toute installation dont l'objet est de faciliter au public l'usage des services de transports publics automobiles routiers de voyageurs desservant une localité, en liaison éventuelle avec les autres modes de transports. Elle peut être utilisée, en outre, pour le service des messageries ou le service postal ».
    4. Sur le plan des droits et des obligations liés à l’accès des différents transporteurs à ces installations, les articles 2 et 3 de l’ordonnance introduisent une distinction entre gare routière « publique » et gare routière « privée » : « Une gare routière de voyageurs est dite publique lorsque toute entreprise de transports publics de voyageurs desservant la localité a le droit de l'utiliser. Toute gare routière de voyageurs qui n'est pas publique au sens de l'article précédent est dite privée. Entre notamment dans la catégorie de gares privées une gare créée par un transporteur public ou un groupement de transporteurs publics et réservée en principe aux services qu'assurent cet entrepreneur ou ce groupement : elle ne perd pas ce caractère si le créateur de la gare consent à la mettre à la disposition d'autres transporteurs. Les gares privées sont soumises au régime de l'autorisation. »
    5. L’article 14 impose aux transporteurs une obligation d’usage de la gare publique à tout le moins pour les transporteurs urbains et locaux, dans les conditions précisées par le cahier des charges. Il détermine des taux de taxes maximum perceptibles sur les usagers de la gare, transporteurs et public (article 17). L’usage peut également donner lieu à la perception de redevances, liées aux charges de création ou de transformation des gares, ainsi qu’à l’avantage qui est retiré de leur usage pour le transporteur (article 21). Un régime de police des gares est également prévu (articles 25 et suivants), confiée notamment au préfet.
    6. L’octroi des autorisations d’accès aux gares « privées » incombe au ministre ou au préfet, en application de l’article 32 de l’ordonnance. L’acte d’autorisation peut prévoir l’obligation d’accorder l’accès, moyennant redevances, à certains transports autres que ceux des transporteurs demandeurs de la gare (article 32). Une partie du régime juridique des gares publiques est applicable aux gares privées (cf. article 34, pouvoirs de police essentiellement). 

    2. AUTORITES COMPETENTES
    1. L’ordonnance de 1945 ne désigne pas de collectivité publique compétente pour l’octroi de droits en gares, ainsi par exemple, concernant les gares publiques, l’article 24 renvoie à « l’autorité qui a concédé ou affermé une gare publique de voyageurs ».
    2. Les gares routières sont, depuis la loi LOTI de 1982, une composante du service public des transports. L’article L. 1211-4 du code des transports dispose en effet que « constituent des missions de service public dont l'exécution est assurée par l'Etat, les collectivités territoriales et leurs établissements publics en liaison avec les entreprises privées ou publiques : 1°) La réalisation et la gestion d'infrastructures et d'équipements affectés au transport et leur mise à la disposition des usagers dans des conditions normales d'entretien, de fonctionnement et de sécurité ; [...] »
    3. Aussi, en application du cadre général prévu par le code des transports, les autorités compétentes en matière de gares routières peuvent être :
      • -  Les communes, leurs groupements et les syndicats mixtes de transports pour les lignes urbaines (articles L. 1231-1 et L. 1231-1 du code des transports) ;
      • -  Les départements pour les dessertes relevant de leur compétence (transports non urbains) (article L. 3111-1 du code des transports) ;
      • -  Les régions pour les dessertes routières ou ferroviaires de niveau régional (article L. 3111-2 du code des transports) ;
      • -  L’Etat pour les lignes d’intérêt national (article L. 3111-3 du code des transports).
    4. En pratique aujourd’hui, ce sont souvent des départements, des communes ou leurs émanations, qui sont compétentes concernant la création, l’entretien ou le développement de ces installations, qui en délèguent la gestion ou concèdent des droits sur elles. Ainsi sous l’angle de la propriété des installations (et indépendamment des modalités de gestion subséquentes), une étude de la FNTV de 2012 a constaté, sur un échantillon comprenant 91% des préfectures, que 44% des gares routières appartiennent à des autorités organisatrices urbaines et 37 % aux départements9

      3. MODALITES DE GESTION LOCALE
    5. Les autorités compétentes sont libres de choisir le mode de gestion des gares routières. L’article L. 1221-3 du code des transports prévoit en effet que « l’exécution des services de transports public de personnes réguliers et à la demande est assurée (...), soit en régie par une personne publique sous forme d’un service public industriel et commercial, soit par une entreprise ayant passé à cet effet une convention avec l’autorité organisatrice ». La gestion peut donc être directe, déléguée ou semi-déléguée, ce qui tend à complexifier le cadre règlementaire applicable aux gares routières.
    6. Tout d’abord, l’autorité compétente peut organiser elle-même la gare routière en ayant recours à la régie directe. Le régime juridique de la régie directe a été précisé par le décret n° 85-891 du 16 août 1985 relatif aux transports urbains de personnes et aux transports routiers non urbains de personnes (JO, 23 août 1985) qui distingue les établissements 

      9 Les 19% restants répondent à des contextes locaux particuliers et sont, selon la FNTV, difficilement classables: domaine public dévolu à la SNCF, association Etat-SNCF-département, exploitant urbain, exploitant interurbain, régie, société d’économie mixte, société privée, etc. 

    publics à caractère industriel et commercial des régies dotées de la seule autonomie financière (article 12) et prévoit des modalités juridiques et financières de fonctionnement plus souples pour les secondes que pour les premières (article 16 et article 18). La loi n° 2010-559 du 28 mai 2010 est venue ajouter une nouvelle modalité de gestion directe, par la création de sociétés publiques locales (ci-après « SPL »), prévues à l’article L. 1531- 1 du code général des collectivités territoriales.
    1. L’autorité compétente peut également déléguer la gestion de la gare routière, entre autres, par un contrat de concession, d’affermage ou de régie intéressée, le type de contrat étant fonction de l’organisation locale des transports collectifs interurbains.
    2. Enfin, l’article 36 bis de l’ordonnance du 24 octobre 1945 précitée prévoit que « les communes ou les syndicats de communes (...) et les départements peuvent, soit acquérir des sociétés chargées d’exploiter des gares routières publiques de voyageurs, soit recevoir, à titre de redevances, des actions d’apport ou des parts de fondateur ». La société acquise, qui est alors une société d’économie mixte (ci-après « SEM ») doit revêtir, conformément à l’article L. 1522-1 du code général des collectivités territoriales, la forme de société anonyme. De plus, l’autorité compétente doit détenir plus de la moitié du capital de ces sociétés et des voix dans les organes délibérants.
    3. Le cadre ainsi résumé fait ressortir une complexité notable, de laquelle découlent certaines difficultés, voire certains obstacles au développement des services d’autocars, qui seront présentés ultérieurement (cf. infra, § 314 et suivants). 

    II. Structure et caractéristiques du marché
    53. Seront tout d’abord présentés les principaux acteurs du marché (A) puis l’activité constatée en termes d’offre et de demande (B). 

    A. LES ACTEURS DU MARCHE
    1. Les acteurs offrant des dessertes en cabotage seront examinés dans un premier temps (Eurolines et SNCF C6, proposant le service « iDBUS »). En ce que de telles dessertes peuvent être ajoutées accessoirement à des dessertes internationales, seront ensuite présentés deux acteurs desservant des villes françaises à l’international (Stagecoach et son service « Megabus » ; les Courriers rhodaniens et son service « Starshipper »). La présentation s’attachera à décrire les activités des acteurs et de leurs groupes d’appartenance sur des marchés de transport connexes, dans la mesure où de telles activités sont susceptibles d’influer sur les positionnements de chacun sur le marché de transport longue distance par autocar. 

      1. LES ACTEURS PRESENTS SUR LE CABOTAGE
    2. Deux opérateurs sont actuellement présents en France sur le marché du transport interrégional par autocar. L’un, Eurolines, est l’opérateur historique du marché du transport international par autocar (a) ; le second, iDBUS, est un nouvel entrant sur ce marché mais appartient à la SNCF, opérateur historique du marché du transport ferroviaire (b).
      a) Eurolines et le groupe Transdev
    3. Eurolines est un service de transport routier par autocar en Europe, opéré par un groupement d’autocaristes français et étrangers réunis depuis 1985 sous la marque « Eurolines ».
    4. Seront successivement étudiés les entités fournissant le service Eurolines, et le service fourni aux voyageurs (en Europe et en France).
      Les entités fournissant le service de transport routier Eurolines
    5. Eurolines se présente sur son site internet comme « une association de transporteurs privés créée en 1985. Cette structure représente aujourd’hui le plus important regroupement européen de transporteurs de voyageurs en car. La marque Eurolines regroupe 32 compagnies de car indépendantes, pour créer le plus vaste réseau de transport par car en Europe. » Eurolines désigne ses transporteurs comme des « franchisés ».
    6. En pratique, il existe deux sous-ensembles au sein de ce groupement : des sociétés de transport dont le capital est en tout ou partie possédé par le groupe Transdev, via les sociétés VT Eurolines et Transdev Group SA. Il existe par ailleurs une structure associative, Eurolines Organisation, qui fédère des transporteurs et unifie leur service.
    VT Eurolines
    1. VT Eurolines est la société principale au sein du groupe Transdev concernant les services d’autocar. C’est une société française présentant une activité de holding, active en matière de transport international routier par les participations qu’elle détient dans les sociétés françaises et étrangères suivantes :
      • -  Eurolines SA (France) ;
      • -  Eurolines SA (Belgique) ;
      • -  Eurolines Nederland BV (Pays-Bas) ;
      • -  VT Eurolines Polska SPZOO (Pologne) ;
      • -  Veolia Eurolines CZ et Touring Bohemia SRO (République Tchèque) ;
      • -  Eurolines Peninsular SA et Viajes Eurolines SA (Espagne).
        Transdev Group SA
    2. Par ailleurs, la société française Transdev Group SA, maison-mère de VT Eurolines (qu’elle détient à 95,4 %), détient également des participations dans un ensemble de sociétés étrangères actives dans le transport par autocars :
      - Trois sociétés portugaises : Transportes Internacionais Rodoviarios Do Norte, Lda, dite Internorte; Transportes Internacionais Rodoviarios Do Centro, Lda, dite Intercentro ; Transportes Internacionais Rodoviarios Do Sul, Lda, dite Intersul ;
      - Une société allemande: Deutsche Touring Group GmbH.
    3. Toutes ces entités sont membres d’Eurolines Organisation.
      Eurolines Organisation
    4. Eurolines Organisation est une association internationale sans but lucratif, de droit belge, créée en 1985 et qui regroupe 32 transporteurs indépendants par autocars, dont des filiales de Transdev Group ainsi que des opérateurs étrangers tels que Eurolines UK ou encore Eurolines Italie.
    5. Cette association fédère les autocaristes autour d’un service unifié sous la marque Eurolines. Elle défend les intérêts de ses membres devant les instances communautaires et internationales, effectue des études de marché, s’investit dans des actions de formation.
    6. Les membres de l’organisation doivent adopter la marque « Eurolines » et coopérer entre eux au développement de l’activité de transport international de voyageurs par route. Ils doivent respecter les règles fixées concernant notamment l’utilisation de la marque, la gestion des réservations, les capacités et la présentation des véhicules.
      Les acteurs membres d’Eurolines Organisation hors du groupe TRANSDEV
    7. Eurolines Organisation réunit également des entités indépendantes du groupe Transdev. C’est le cas d’ALSA, opérateur majeur du transport de voyageurs par route en Espagne, filiale du groupe britannique National Express Group. C’est également le cas d’Eurolines UK et d’Eurolines Italia. Les entités constitutives des groupes précités ou membres d’Eurolines Organisation peuvent recourir à de la sous-traitance, qui caractérise le service Eurolines dans des proportions importantes. 

    L’activité multimodale de Transdev
    1. Transdev détient et exploite la marque Eurolines en Belgique, en France, aux Pays-Bas, en République tchèque et en Pologne, et en partenariat en Espagne et au Portugal.
    2. Le groupe Transdev est également actif sur plusieurs marchés similaires ou connexes à celui du transport « longue distance » (entendu comme le transport international et sur les dessertes intérieure qui lui sont accessoires). A plusieurs reprises en application de son pouvoir de contrôle des concentrations, l’Autorité de la concurrence a constaté notamment sa présence sur les marchés de transport conventionné que sont le transport urbain et le transport interurbain10, occasionnel et régulier. Transdev détient ainsi des participations dans un grand nombre d’entreprises ou de sociétés d’économie mixte de transport collectif (par exemple Ocecars ou CGFTE), et se présente de ce fait comme un transporteur multimodal, en France et à l’étranger.
    3. Le groupe Transdev dispose également d’actifs, de participations ou de filiales dans des activités associés aux transports, comme le conseil et l’ingénierie en information de transport et en billettique (par exemple au travers de sa filiale Cityway). 

      Le réseau et le service Eurolines
    4. Eurolines se veut être le premier réseau de lignes régulières par car en Europe. Ce service se prévaut ainsi de :
      • -  plus de 600 destinations en Europe (sur 140 lignes régulières), dans 33 pays ;
      • -  3,5 millions de voyageurs transportés par an.
    5. En France, les cinq principales liaisons intérieures en termes de trafic, desservies par Eurolines en cabotage sont au départ de Paris et relient respectivement Bordeaux, Lyon, Strasbourg, Lille et Rennes. Eurolines indique plus largement desservir 60 villes françaises dans le cadre d’un service interrégional inscrit dans ses lignes internationales.
    6. En Europe centrale et de l’Est, Eurolines propose deux gammes de service, avec notamment une classe « business » mettant l’accent sur le confort. Eurolines propose notamment des offres forfaitaires permettant de voyager entre plusieurs villes européennes, voire des offres « illimitées ».
    7. Eurolines est un opérateur ancien et très implanté sur le marché des lignes régulières par car en Europe. A cet égard, le cabotage est, sur le service international déjà en place, une opportunité pour remplir les cars et une source de revenu supplémentaire. En France, Eurolines indique desservir 96 points d’arrêts et avoir transporté 900 000 passagers français, dont 50 000 voyageurs en cabotage, en 2012. Depuis l’ouverture du cabotage en 2011, le service offert en France par Eurolines a connu les évolutions principales suivantes :
      • -  lancement de deux nouveaux services « 4 étoiles » sur Paris – Lyon (juillet 2013) ;
      • -  lancement de la nouvelle liaison Marseille – Paris (mars 2013) ;
      • -  renforcement des liaisons Lyon – Paris (novembre 2012). 

        10 Voir notamment la décision de l’Autorité de la concurrence n° 13-DCC-137 du 1er octobre 2013 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Transdev Group (ex-Veolia Transdev) par la Caisse des Dépôts et Consignations, ainsi que la décision n° 10-DCC-198 du 30 décembre 2010 relative à la création d’une entreprise commune par Veolia Environnement et la Caisse des Dépôts et Consignations (notamment § 232 et s. pour ce qui concerne le transport routier interurbain). 

    1. Sur le plan tarifaire, les prix des billets présentent une variabilité de faible ampleur, en fonction notamment du taux de remplissage du car, de la période de l’année, du jour de la semaine et de la date de réservation du client. Les tarifs intègrent également une certaine dégressivité selon les trajets (l’aller-retour est moins cher que deux allers simples), l’âge, les groupes (une place offerte pour 10 voyageurs payants).
    2. La clientèle du cabotage est présentée comme essentiellement jeune et urbaine, sensible au prix mais peu sensible au temps de parcours, privilégiant l’achat en ligne, peu de temps avant le départ. La clientèle de l’offre internationale est présentée comme légèrement différente, avec des profils plus variés, selon notamment la nationalité des voyageurs.
    3. Eurolines commercialise ses billets notamment via son site internet, par guichets et agences physiques répartis en France et à l’étranger, dans les gares routières notamment, ainsi que par téléphone. 

      b) IDBUS et le groupe SNCF
    4. IDBUS est le service de transport longue distance par autocar de la SNCF. Il est opéré par une filiale du groupe, SNCF C6. La SNCF est un entrant sur le marché de l’autocar longue distance mais un opérateur historique en position dominante voire monopolistique sur des marchés connexes. 

      La société SNCF-C6, fournissant le service iDBUS
    5. SNCF-C6 est une société par action simplifiée détenue à 100 % par SNCF Voyages Développements (SVD), elle-même détenue à 100 % par SNCF Participations, société à activité de holding détenue à 99,97 % par l’EPIC SNCF. Elle dispose d’un capital social de 17 millions d’euros. Son objet ne se limite pas au transport par autocar, puisqu’il prévoit « le transport public de voyageurs, par tous modes et tous moyens ». SNCF-C6 est présidée par Mme Barbara Dalibard, par ailleurs à la tête de la branche SNCF Voyages.
    6. iDBUS affiche son lien avec le groupe SNCF de différentes manières : sur les cars, sur son site, en gares, etc. 

      Le groupe de transport multimodal SNCF
    7. Le groupe SNCF se présente en cinq branches d’activités correspondant, chacune, à une division de l’EPIC SNCF, d’une part, et à des sociétés dont la SNCF détient tout ou partie du capital (via la holding SNCF Participations). Le schéma exposé ci-dessous, issu du rapport financier de la SNCF pour l’année 2012, présente ainsi plus précisément la structure du groupe : 




    1. SNCF C6 et son service iDBUS s’inscrivent dans la branche SNCF Voyages, caractérisée par une activité ferroviaire « grandes lignes », internationale et nationale.
    2. Le groupe SNCF compte notamment parmi ses filiales la société Keolis, un acteur majeur du transport conventionné, urbain et interurbain11, au sein de la branche Proximités qui réunit les offres conventionnées, notamment ferroviaires. Le groupe compte également une branche distincte et davantage séparée fonctionnellement, Gares & Connexions, chargée de la gestion des gares ferroviaires de voyageurs.
    3. Par ailleurs, la branche Voyages de la SNCF comprend le site internet voyages-sncf.com, moyen privilégié de la distribution des offres du groupe, un site parmi les plus visités en France12. Ce site permet entre autres la distribution de l’offre d’autocar iDBUS de la SNCF.
    4. Par ailleurs, la SNCF développe et met en avant un nouveau service, « Mytripset », qu’elle présente comme « le premier site de voyage multimodal en Europe. Lancé en 2012, Mytripset [...] offre aux utilisateurs la possibilité de préparer et de planifier leurs voyages en porte-à-porte et en comparant l’ensemble des modes de transport disponibles, que ce soit en voiture, en train, en avion, en transports en commun et demain en covoiturage ou en vélo ! ». La SNCF se prévaut d’intégrer par ce portail l’offre de « 180 compagnies aériennes, plus de 100 000 trains en Europe et des centaines de milliers de trams, bus et métros dans toute l’Europe également ». La SNCF prétend à terme à « l’exhaustivité des possibilités de transport », dans l’optique de renforcer une offre de transport « porte-à- porte», «sans couture» et multimodale, ce qui apparaît comme un nouvel axe de 

      11 Voir la décision n° 12-DCC-129 du 5 septembre 2012 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Keolis par la société SNCF-Participations, notamment les § 64 et suivants, où il est fait état des parts de marchés en 2011 de Keolis sur le transport urbain hors Ile-de-France (entre 30 et 40%) et sur le transport interurbain (entre 20 et 30%).
      12 Le baromètre trimestriel Mediamétrie/Netratings de l’audience du e-commerce place ainsi voyages- sncf.com 5e du « top 15 des sites e-commerce les plus visités en France ». Le site est également 2e au « top 5 des sites et applications de m-commerce » (sites et applications pour terminaux mobiles), « 1ère agence de voyage en ligne » et « 1er site des marques e-tourisme ». Source : communiqué de la fédération e-commerce et vente à distance (FEVAD), 24 septembre 2013. 

    développement du groupe13. Le site ne présente pas actuellement de résultats intégrant des offres de transport par autocar. 

    Le réseau et le service iDBUS
    1. Le service a été lancé en juillet 2012. iDBUS propose des liaisons entre les métropoles suivantes : Lille, Londres, Bruxelles, Amsterdam, Lyon, Aix-en-Provence, Marseille, Nice, Turin, Milan et Gênes. iDBUS a également annoncé courant septembre l’ouverture d’un nouveau service international (sans dessertes de cabotage en France) entre Lyon et Barcelone.
    2. Le service en cabotage en France est ainsi constitué de deux liaisons : Paris–Lille et Paris– Lyon, soit 4 OD, et 28 ODH. iDBUS fournit ce service avec une quarantaine d’autocars récents offrant 48 places pour un meilleur confort, et 200 salariés environ et a indiqué avoir transporté 200 000 voyageurs en 2012, sur l’ensemble de ses lignes routières, après un an d’activité.
    3. iDBUS indique mettre l’accent sur la simplicité et la stabilité des tarifs. Le communiqué de juillet 2013 indique ainsi : « Les prix sont annoncés plusieurs mois à l’avance et ne changent pas jusqu’à la date de départ du car. Que l’on réserve longtemps à l’avance ou quelques heures avant le départ, le prix est donc le même. Il n’est pas nécessaire d’anticiper son voyage pour avoir le meilleur tarif. »
    4. La communication de l’opérateur met également en avant un prix d’appel (« prix mini ») par destination, ainsi qu’une dégressivité en fonction de nombre de billets achetés (tarif « tribu » : pour trois places achetées, la quatrième est offerte). La communication de la société s’attache à présenter ses tarifs comme fixes et prévisibles (modulés selon la période de la semaine ou le jour et la nuit, mais non variables selon la période de réservation), en vue d’une bonne comparabilité du tarif avec d’autres modes de transport, en premier lieu la voiture particulière.
    5. L’offre d’iDBUS met enfin l’accent sur le confort d’une part (choix du siège ; espace ; wifi et alimentation électrique) et sur l’accueil d’autre part (personnel d’accueil, conducteurs bilingues).
    6. IDBUS indique adresser une clientèle jeune (66 % ont entre 15 et 25 ans), connectée (95 % des achats de billets sont faits via internet), sensible aux prix bas mais peu au temps de parcours, notamment du fait de services de confort (prises électriques et wifi notamment).
    7. Sur le plan de la commercialisation des billets, IDBUS emploie les moyens suivants :
      • -  le site internet www.idbus.fr, multilingue (anglais, français, néerlandais, italien) ;
      • -  l’accueil téléphonique, en anglais et en français (numéro payant de type 0892 depuis la France) ;
      • -  la vente en gares :
        o ferroviaires : auprès de certains guichets SNCF en gares de Paris-Bercy, de Lille-Europe et de Lyon Perrache, et également en gare de Bruxelles ;
        o routières : à Londres, Turin et Milan.
      • -  Via le site voyages-sncf.com de la SNCF. 

        13 Source : communication de la SNCF intitulée « Rapport 2013 - Les mobilités en Europe - État du marché des transports de voyageurs et de marchandises ». 

    2. LES ACTEURS PRESENTS EN FRANCE SUR DES LIAISONS INTERNATIONALES
    1. Deux acteurs offrent des services internationaux de transport par autocar desservant la France, susceptibles d’être complétés de services accessoires de cabotage : Stagecoach Group et Les Courriers rhodaniens. 

      a) Le groupe Stagecoach et son service Megabus
    2. Stagecoach Group est une compagnie britannique active depuis 35 ans, fournissant des services de transport variés dans trois zones : Royaume-Uni, Etats-Unis et Canada. Au Royaume-Uni, Stagecoach fournit du transport local et longue distance, par train et par autocar. Le groupe bénéficie de concessions (ou « franchises ») ferroviaires : South West Train (au départ de Waterloo Station, Londres) et East Midland Trains (au départ de Saint Pancras, Londres), et il détient part ailleurs une part notable du capital de Virgin Rail, entreprise ferroviaire britannique titulaire de deux autres franchises. Le groupe indique employer autour de 35 000 personnes dans le monde et transporter 3 millions de clients chaque jour (dont près de 2,5 millions au moyen de 8000 bus et cars, sur le Royaume-Uni).
    3. Stagecoach opère notamment le service « Megabus », un service de transport par autocar comprenant 120 destinations aux Etats-Unis, 60 destinations en Angleterre et en Ecosse, ainsi que des liaisons du Royaume-Uni vers Paris, Bruxelles et Amsterdam. Megabus est présenté comme un service « low cost », proposant des prix bas et flexibles, en fonction de l’offre et de la demande et des dates de réservation. Il a été introduit en 2003 au Royaume- Uni, entrant en concurrence avec l'opérateur historique, National Express. Son entrée est réputée avoir modifié les équilibres et le fonctionnement du marché, générant notamment une baisse sensible des prix.
    4. Ce service dessert, au départ du Royaume-Uni, les villes françaises de Boulogne-sur-Mer et Paris. Ces deux destinations ne présentent pas de cabotage. Le service entre Paris et Londres est constitué de deux allers-retours quotidiens, pour des prix variant fortement, entre 1 et 40€. 

      b) Les Courriers Rhodaniens et leur service Starshipper
    5. Les Courriers Rhodaniens sont une PME indépendante active dans la vallée du Rhône. Ils exploitent notamment des lignes régulières et scolaires pour les conseils généraux de l'Ardèche, de la Drôme, de l'Isère, de la Loire et du Rhône, ainsi que des liaisons TER (substitution de trains par autocars) et des services urbains. La société compte plus de 200 salariés, 230 véhicules et plus de 8 500 voyageurs au quotidien.
    6. Les Courriers Rhodaniens sont adhérents du groupement Réunir, une association regroupant une centaine de PME de transport par autocar. Ce groupement, qui apporte du conseil et des prestations mutualisées à ses adhérents, a développé une marque, « Starshipper », pour un service longue distance que les Courriers rhodaniens exploitent depuis 2012.
    7. Le service Starshipper consiste ainsi en une liaison entre les villes de Lyon, Chambéry en France, et Turin en Italie, entre un et trois allers-retours quotidiens, pour des prix généralement situés entre 29 et 37 euros, selon les jours et les périodes. Le service se base sur des autocars récents et confortables, disposant notamment d’un service d’accès à internet en wifi.
    99. Les principaux éléments du cadre applicable aux services de transports routiers longue distance étant décrits, il convient désormais d’en présenter la résultante actuelle : l’activité économique observée sur les marchés de transports interrégionaux par autocar, qu’il s’agisse de services intérieurs délivrés dans le cadre du droit au cabotage, ou encore de services internationaux desservant le territoire français. 

    B. L’ACTIVITE SUR LE MARCHE
    1. Seront d’abord présentées les caractéristiques de l’offre et de la demande de transport interurbain par autocar (1) puis les facteurs d’attractivité de ce mode de transport collectif (2). 

      1. LES CARACTERISTIQUES DE LOFFRE ET DE LA DEMANDE DE TRANSPORT INTERURBAIN PAR AUTOCAR
    2. Sont successivement présentées les principales caractéristiques de l’offre de services de transport interurbain par autocar en termes de liaisons (a), de prix proposés (b) et de la demande pour ces services, en termes de trajets effectués et de profil de clientèle (c). 

      a) L’offre de services
      Les demandes d’autorisation formulées par les opérateurs
    3. A la date du 13 septembre 201314, soit un peu plus de deux ans après l’ouverture du marché, 602 liaisons interrégionales, soit 1 202 « origine-destination »15, ont fait l’objet d’au moins une demande d’autorisation d’ODH auprès du ministère par les différents opérateurs présents sur le marché16. Cela correspond à un total de 5 067 demandes d’autorisation sur des ODH (« Origine-Destination-Horaire ») et 80 points d’arrêt.
    4. Les 15 liaisons ayant fait l’objet du plus grand nombre de demandes d’ODH sont :
      1. 1)  Paris-Tours / Tours-Paris
      2. 2)  Paris-Orléans / Orléans-Paris
      3. 3)  Tours-Bordeaux / Bordeaux-Tours
      4. 4)  Paris-Bordeaux / Bordeaux-Paris
      5. 5)  Orléans-Bordeaux / Bordeaux-Orléans
      6. 6)  Bordeaux-Poitiers / Poitiers-Bordeaux
      7. 7)  Bordeaux-Saintes / Saintes-Bordeaux
      8. 8)  Poitiers-Tours / Tours-Poitiers 

      14 Date du dernier fichier de la DGITM mis à disposition des rapporteurs.
      15 1 200 « origine-destination » avec AR et 2 « origine-destination » isolées.
      16 La notion d’origine-destination (OD) fait ici référence à un déplacement d’une entité (voyageur, véhicule, etc.) d’un lieu/point de départ/origine à un lieu d’arrivée/destination dans un sens. La notion de liaison entre deux lieux est utilisée sans précision d’orientation et désigne donc un aller et retour sur une OD. 

    1. 9)  Saintes-Tours / Tours-Saintes
    2. 10)  Bayonne-Paris / Paris-Bayonne
    3. 11)  Orléans-Poitiers / Poitiers-Orléans
    4. 12)  Orléans-Saintes / Saintes-Orléans
    5. 13)  Paris-Poitiers / Poitiers-Paris
    6. 14)  Bayonne-Orléans / Orléans-Bayonne
    7. 15)  Bayonne-Tours / Tours-Bayonne.
    1. A elles seules, ces 15 liaisons (soit 30 « origine-destination ») représentent un peu plus de 20% du total des demandes d’ODH formulées par les opérateurs. Autrement dit, sur les 600 liaisons ayant fait l’objet d’une demande, 2,5% des liaisons (15 liaisons) concentrent à elles seules 1/5ème du total des demandes d’autorisation.
    2. Acontrario,233liaisonsn’ontfaitl’objetqued’unedemandeparOD(soitdeuxdemandes par liaison) et représentent un peu moins de 10% du total des demandes d’ODH. Autrement dit, sur les 600 liaisons ayant fait l’objet d’une demande, près de 40% (38,9% exactement) représentent seulement 1/10ème du total des demandes d’autorisation d’ODH. Pour ces liaisons, les demandes adressées par les opérateurs ne portent donc que sur un petit nombre d’horaires (1 départ aller, 1 départ retour).
    3. Sur les 15 liaisons les plus demandées, 6 sont desservies par une offre ferroviaire TGV uniquement, 3 par une offre TER uniquement, 1 par une offre Intercités ou TGV, 1 par une offre Intercités ou TER et 4 sont desservies uniquement par des offres ferroviaires avec correspondance.
    4. De manière générale, à ce stade de l’instruction, sur un échantillon constitué des 174 OD pour lesquelles plus de 5 demandes d’autorisation ont été formulées, on constate que 26% concernent des liaisons pour lesquelles il n’existe pas d’offre de transport ferroviaire, 18% concernent des liaisons pour lesquelles il n’existe qu’une alternative d’offre ferroviaire à grande vitesse, 39% concernent des liaisons pour lesquelles il n’existe pas d’offre ferroviaire directe et 79% concernent des liaisons transversales, c’est-à-dire ne reliant pas Paris17

      Les demandes d’autorisation acceptées par le ministère : l’offre théorique
    5. Au13septembre2013,surles5067demandesd’autorisationd’ODHadressées,3064ont été acceptées ou sont en cours d’acceptation par le ministère, soit environ 60%. Cela correspond à 933 « origine-destination », dont 896 OD avec AR et 37 OD isolées. C’est donc 448 liaisons AR, auxquelles s’ajoutent 37 OD isolées, reliant 80 villes qui ont été autorisées.
    6. A raison d’une capacité de 50 places assises par autocar18, et étant donné le cadre réglementaire actuel limitant l’offre à destination des passagers en cabotage à 50% de la

      17 A ce stade, l’instruction n’a pas tenu compte, pour caractériser les demandes d’autorisation, de l’offre de transport aérien « low cost », pourtant récemment enrichie sur les liaisons transversales, notamment par le service Hop ! d’Air France. Ceci tient au fait que l’instruction des demandes d’autorisation par le ministère vise à apprécier l’atteinte à l’équilibre économique uniquement de services conventionnés de transport terrestre, comme indiqué au paragraphe 20.
      18 Il s’agit ici d’une estimation élevée du nombre de places par autocar ; les autocars mis en service récemment par les opérateurs sont des cars de grand tourisme, plus confortables car plus spacieux que les cars « traditionnels ». Ils disposent donc plutôt de 48 places. 

    capacité des autocars, l’offre théorique peut donc être évaluée à 76 600 (153 200/2) places par jour, soit 2 298 000 (4 596 000/2) places par mois. Cela correspond à une part modale de l’ordre de 1,6% (en nombre de déplacements à plus de 50 kilomètres)19. Cette part modale constitue un maximum puisque son calcul repose sur l’offre théorique. Elle est en outre bien inférieure à la part modale attendue en Allemagne. D’après une étude réalisée avant l’ouverture généralisée du marché allemand fin décembre 2012, la part modale de l’autocar devrait en effet être d’au moins 5%20.
    1. Ont en général été octroyées les autorisations de cabotage parallèles à des lignes TGV. Certaines régions militent toutefois contre cette approche (c’est le cas par exemple des régions Poitou-Charentes et Bourgogne) parce qu’elles ont contribué au financement de lignes TGV. De même, pour la liaison Paris-Reims, la région Champagne-Ardenne contribuant à l’exploitation de la ligne TGV a émis un avis défavorable qui a été suivi. Pourtant, le critère d’atteinte à l’équilibre économique d’une ligne ferroviaire existante qui doit prévaloir dans le cadre de l’instruction des demandes d’autorisation d’ouverture de lignes routières ne porte que sur les services conventionnés. L’éventuel impact de l’ouverture d’une ligne de transport par autocar sur l’équilibre économique des lignes de TGV, si tant est qu’il y en ait un, n’entre en principe pas dans les conditions de refus d’octroi des autorisations.
    2. Les villes susceptibles d’être les mieux desservies en autocar sont de taille et de situation géographique très variables, ainsi que l’illustre le tableau suivant, qui présente les 20 villes françaises théoriquement les mieux desservies en autocar (i.e., proposant le plus grand nombre de destinations).
    Ville de départ
    Région
    Nombre de destinations possibles depuis cette v ille
    Nombre total d'ODH autorisées depuis cette v ille
    BAYONNE
    Aquitaine
    32
    203
    PARIS
    Ile-de-France
    30
    239
    BAGNOLET
    Ile-de-France
    30
    65
    DIJON
    Bourgogne
    27
    79
    LILLE
    Nord-Pas de Calais
    27
    57
    STRASBOURG
    Alsace
    25
    100
    LYON
    Rhône-Alpes
    25
    87
    VALENCE
    Rhône-Alpes
    25
    55
    TOURS
    Centre
    24
    148
    BORDEAUX
    Aquitaine
    23
    231
    CALAIS
    Nord-Pas de Calais
    23
    33
    RENNES
    Bretagne
    22
    54
    AVIGNON
    Languedoc-Roussillon
    21
    32
    POITIERS
    Poitou-Charentes
    20
    135
    NÎMES
    Languedoc-Roussillon
    20
    39
    CHALON-SUR-SAÔNE
    Bourgogne
    19
    63
    TOULOUSE
    Midi-Pyrénées
    19
    35
    GRENOBLE
    Rhône-Alpes
    18
    38
    SAINT-JEAN-DE-LUZ
    Aquitaine
    18
    36
    NARBONNE
    Languedoc-Roussillon
    18
    30
    MONTPELLIER
    Languedoc-Roussillon
    17
    35
    19 Source CGDD.

    20 Walter M., Haunerland F., Moll R.: "Heavily regulated, but promising prospects: Entry in the German
    Express Coach Market", Transport Policy, vol. 18(2), pages 373-381, Mars 2011. 

    112. En termes de fréquence de services, les liaisons sur lesquelles l’offre pourrait être la plus dense sont présentées dans le tableau suivant :
    Ville de départ
    Ville d'arrivée (toutes régions)
    Nombre de départs autorisés à l'aller
    Nombre de départs autorisés au retour
    TOURS
    BORDEAUX
    43
    42
    PARIS
    BORDEAUX
    41
    39
    ORLÉANS
    BORDEAUX
    38
    37
    PARIS
    POITIERS
    29
    29
    BAYONNE
    SAINTES
    28
    28
    PARIS
    SAINTES
    28
    28
    TOURS
    BAYONNE
    28
    27
    BAYONNE
    POITIERS
    26
    26
    PARIS
    BAYONNE
    26
    20
    ORLÉANS
    BAYONNE
    24
    18
    VERSAILLES
    BORDEAUX
    24
    22
    SAINTES
    VERSAILLES
    21
    21
    NIORT
    PARIS
    20
    20
    POITIERS
    VERSAILLES
    20
    20
    BAYONNE
    NIORT
    19
    19
    LILLE
    PARIS
    19
    19
    VERSAILLES
    BAYONNE
    19
    13
    NIORT
    VERSAILLES
    18
    18
    BLOIS
    BORDEAUX
    17
    15
    BLOIS
    BAYONNE
    15
    14
    BORDEAUX
    CHAMPIGNY-SUR-MARNE
    12
    11
    LYON
    PARIS
    12
    12
    SAINTES
    TOURS
    12
    12
    BORDEAUX
    POITIERS
    11
    11
    NIORT
    CHAMPIGNY-SUR-MARNE
    11
    10
    1. De manière générale, à ce stade de l’instruction, sur un échantillon composé des 213 liaisons pour lesquelles les demandes d’autorisation d’ouverture d’un service de transport par autocar ont systématiquement été refusées par le ministère, on constate que 10% concernent des liaisons pour lesquelles il n’existe pas d’offre de transport ferroviaire, 5% concernent des liaisons pour lesquelles il n’existe qu’une alternative d’offre ferroviaire à grande vitesse, 45% concernent des liaisons pour lesquelles il n’existe pas d’offre ferroviaire directe et 96% concernent des liaisons transversales, c’est-à-dire ne reliant pas Paris.
    2. Ces chiffres font apparaître une incohérence entre, d’un côté, les critères théoriques qui fondent le refus d’octroyer une autorisation d’exploitation d’une liaison routière et, de l’autre, la pratique des services d’instruction du ministère. En effet, on peut s’interroger sur les motifs ayant pu conduire au refus d’accorder des autorisations d’exploitation de services de transport routier sur des liaisons pour lesquelles aucune alternative de transport ferroviaire autre que le TGV, voire aucune alternative de transport ferroviaire, n’existe. Par ailleurs, les raisons justifiant le refus d’octroyer des autorisations d’ouverture de lignes routières sur des liaisons où aucune offre ferroviaire directe n’existe, si elles sont sans doute compatibles avec le critère d’atteinte à l’équilibre économique d’une ligne conventionnée, semblent entrer en contradiction avec la recherche d’une amélioration du bien-être collectif (amélioration de la mobilité et de l’usage des transports collectifs). 


      Les autorisations exploitées par les opérateurs : l’offre effective
      1. Les autorisations délivrées par le ministère ne sont pas toutes exploitées par les opérateurs les ayant demandées. En effet, dans le cadre réglementaire actuel, les horaires et lignes des services en cabotage ont vocation à être définis avant tout en fonction de l’offre internationale.
      2. En conséquence, d’une part, certaines liaisons intérieures ne peuvent être adressées, l’étendue et la géographie de la France rendant difficile l’insertion de dessertes de cabotage dans une offre internationale. D’autre part, pour les liaisons qu’il est possible d’insérer effectivement dans des lignes internationales, les horaires envisageables peuvent être inadaptés aux exigences de la clientèle des liaisons intérieures. Par exemple, les horaires construits de manière à satisfaire la clientèle de liaisons internationales de longue distance peuvent amener à desservir des points d’arrêt de cabotage de nuit ou à des horaires aléatoires, ce qui rend la desserte intérieure autorisée peu attractive commercialement et explique, in fine, que les autorisations obtenues ne soient pas toutes exploitées par les opérateurs.
      3. Ainsi, l’offre de services effectivement proposée en 2013 sur le marché français du transport interrégional par autocar en France couvre 350 « origine-destination », soit 175 liaisons, reliant 61 points d’arrêt, pour un total de 725 ODH. Autrement dit, moins de 24% des ODH autorisées sont exploitées, 39% des liaisons autorisées sont desservies par des services de transport par autocar et près de 76% des villes où une liaison par autocar est autorisée sont effectivement desservies par ce mode de transport.
      4. Au total, au 13 septembre 2013, le réseau de transport interrégional par autocar en France relie donc 61 villes et est constitué de 175 liaisons. Les liaisons sur lesquelles l’offre est la plus dense sont présentées dans le tableau suivant 

      Ville de départ
      Ville d'arrivée
      Nombre de départs quotidiens existants à l'aller
      Nombre de départs quotidiens existants au retour
      PARIS
      LILLE
      14
      13
      ORLEANS
      BORDEAUX
      11
      8
      BORDEAUX
      TOURS
      9
      9
      ORLEANS
      BAYONNE
      10
      7
      BORDEAUX
      PARIS
      9
      8
      SAINTES
      BAYONNE
      9
      7
      PARIS
      LYON
      8
      8
      SAINTES
      PARIS
      9
      6
      TOURS
      BAYONNE
      8
      7
      POITIERS
      PARIS
      8
      6
      VERSAILLES
      BORDEAUX
      8
      5
      BLOIS
      BORDEAUX
      8
      4
      119. Les liaisons sur lesquelles il existe des offres de transport en autocar concurrentes sont limitées, du fait du faible nombre d’acteurs, de l’ouverture récente du marché et du cadre réglementaire imposant l’insertion des dessertes dans une liaison internationale. Elles se réduisent, pour l’heure, à deux liaisons, Paris-Lille et Paris-Lyon, qui sont également desservies par des trains à grande vitesse (TGV ou Ouigo pour la liaison entre Marne-la- Vallée et Lyon).

    120. La répartition de l’offre des deux opérateurs présents sur ces liaisons est la suivante:
    Ville de dé part
    Ville d'arrivée
    Nombre total de dé parts proposés
    iDBUS
    Eurolines
    Nombre de dé parts proposés
    % de l'offre tota le
    Nombre de dé parts proposés
    % de l'offre tota le
    PARIS
    LILLE
    14
    11 79%
    4 29%
    LILLE
    PARIS
    13
    11
    85%
    3
    23%
    PARIS
    LYON
    8
    3 38%
    5 63%
    LYON
    PARIS
    8
    3
    38%
    5
    63%
    121. Sur ces liaisons, on constate en outre que les deux concurrents proposent des horaires de départ très proches, comme l’illustre le tableau ci-dessous présentant tous les horaires de la liaison Paris-Lyon.
    Opérateur
    Horaire de départ Paris
    Horaire d'arrivée Lyon
    Opérateur
    Horaire de départ Lyon
    Horaire d'arrivée Paris
    iDBUS
    Eurolines Eurolines Eurolines
    iDBUS
    Eurolines
    iDBUS
    Eurolines
    07:30
    08:15 10:15 14:45
    16:45
    17:15
    23:15
    23:30
    14:00
    15:00 16:30 21:15
    23:15
    23:30
    05:45
    07:00
    iDBUS
    Eurolines Eurolines Eurolines
    iDBUS
    Eurolines
    Eurolines
    iDBUS
    06:00
    06:15 09:15 15:30
    16:15
    17:15
    22:00
    23:00
    12:30
    12:15 15:30 21:20
    22:45
    23:30
    06:00
    05:30

    B) Les tarifs
    Des tarifs inférieurs à ceux des autres modes de transport collectif
    122. Commesoulignépartouteslespartiesprenantes,l’intérêtprincipaldutransportparautocar est le prix peu élevé des billets par rapport aux autres modes de transport collectif. Les relevés de prix effectués dans le cadre de l’instruction indiquent en effet qu’en moyenne les billets de TGV au départ de Paris centre sont deux fois plus chers que les billets de transport par autocar21. Sur les 10 liaisons les plus fréquentées par les usagers du transport par autocar, on relève en outre que le prix au kilomètre des billets d’autocar s’élève en 

    21 Plus précisément, pour une même liaison, la différence entre le prix d’un billet de TGV et celui d’un billet d’autocar est en moyenne de 120%. S’agissant de la méthodologie de relevé des tarifs des billets TGV, 10 liaisons ferroviaires ont servi de support au calcul du prix moyen des billets ; pour chacune des liaisons, le prix moyen retenu est la moyenne des tarifs proposés pour un même billet aller-retour (départ le vendredi à partir de 18h et retour le dimanche à partir de 16h) réservé à des dates différentes plus ou moins éloignées de la date de départ. En revanche, comme l’illustre le 2ème graphique, les tarifs des services de transport ferroviaire à grande vitesse Ouigo sont très compétitifs mais il convient de noter qu’ils relient Marne-la- Vallée à Lyon Saint-Exupéry.

    moyenne à 0,12€ quand le prix au kilomètre des billets de TGV est en moyenne de 0,25€22. Un rapport récent commandé par une association d’usagers, la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (FNAUT), indique quant à lui que les déplacements par autocar sont moins coûteux pour les usagers que les déplacements en TGV et même en trains Intercités23. La dépense d’un voyageur empruntant un autocar sur un trajet longue distance (supérieur à 80 kilomètres) y est en effet estimée à 6,90 centimes par voyageur.kilomètre, tandis que qu’elle est évaluée à 10,98 centimes par voyageur.kilomètre pour le TGV et 9,11 centimes pour l’Intercités.
    123. Cette différence peut être illustrée pour les deux liaisons présentant des offres de transport par autocar concurrentes ainsi que des alternatives modales variées (Paris-Lille et Paris- Lyon).
    Tarifs Paris-Lille24 



    22 Méthodologie de calcul des prix au kilomètre : pour le transport par autocar, le prix moyen des billets a été divisé par la distance kilométrique du trajet effectué par voie routière ; pour le transport par TGV, le prix moyen des billets a été divisé par la distance kilométrique du trajet effectué par voie ferrée.
    23 Estimation des dépenses unitaires selon les différents modes de transport en 2011, Etude FNAUT multi- clients réalisée par Beauvais Consultants, décembre 2012.
    24 Méthodologie de relevé des tarifs sur les liaisons Paris-Lille et Paris-Lyon : moyenne des prix trouvés le 15 octobre 2013 pour un aller simple sur un trajet ; simulations effectuées pour une réservation 60 jours à l’avance, 30 jours à l’avance, 7 jours à l’avance et la veille du départ. Les tarifs des billets d’avion n’apparaissent pas sur les graphiques mais s’élèvent, en moyenne, à 200 euros pour Paris-Lille et 230 euros pour Paris-Lyon, avec une évolution à la hausse à mesure que la date de réservation se rapproche de la date de départ. 

     
    1. Ces relevés de tarifs mettent en évidence, d’une part, la différence entre le prix des billets de transport par autocar et le prix des billets de train et, d’autre part, la plus grande stabilité des prix des billets d’autocar. Il convient cependant de souligner que ces écarts entre les tarifs ne reflètent pas les différences de coûts généralisés des déplacements pour les usagers, dans la mesure où les différences de temps de parcours et de fréquences de services ne sont pas prises en compte. Comme plus amplement développé au paragraphe 207, la comparaison d’offres alternatives de services de transport ne peut se limiter à une comparaison des tarifs. 

      Des tarifs stables
    2. En l’état actuel de développement du marché français du transport longue distance par autocar, l’autre facteur de différenciation du mode de transport par autocar est de permettre aux usagers d’acheter leur billet peu de temps avant le départ sans supporter une forte hausse des tarifs. Les opérateurs actuellement présents sur le marché proposent en effet à leur clientèle des tarifs stables, c’est-à-dire qui varient très peu en fonction de la date de réservation.
    3. Plus précisément, les prix peuvent être modulés selon la période de la semaine et de la journée mais la variation qui résulte de cette modulation est faible. Ainsi, pour une même liaison, la variation des tarifs des billets d’autocar constatée par l’instruction est de l’ordre de 20% en moyenne quand la variation des tarifs des billets TGV est de l’ordre de 95% en moyenne25, le prix des billets de TGV achetés peu de temps avant le départ pouvant être bien plus élevé que le prix des billets réservés très en amont de la date de départ (3 mois maximum). Ainsi, par exemple, sur la liaison Paris-Lyon, le prix d’un billet aller-retour de TGV peut aller de 96 euros à 186 euros, d’après la méthodologie de relevé de tarifs utilisée 

      25 Calculs effectués pour les 10 liaisons les plus fréquentées par les usagers de l’autocar. 

    par l’instruction, quand le prix d’un billet aller-retour en autocar sur la même liaison varie entre 47 et 62 euros pour Eurolines et entre 70 et 78 euros pour iDBUS26.
    1. En outre, le prix des billets d’autocar ne varie pas en fonction de la date de départ. Aux périodes de pic de fréquentation (vacances scolaires, jours fériés, week-ends prolongés), les prix des billets d’autocar ne varient pas, contrairement à ceux des billets de TGV qui sont élaborés suivant des méthodes de « yield management ».
    2. On peut toutefois considérer que cette caractéristique des tarifs des billets de transport en autocar soit temporaire car due au fait que la demande sur le marché français est encore limitée. Dans un marché où la demande serait forte et croissante, on ne peut exclure que les opérateurs auraient recours à des techniques de « yield management » pour fixer leurs tarifs de sorte que la stabilité des prix ne serait plus une caractéristique de ce marché. La faible volatilité des prix des billets de transport par autocar peut également s’expliquer par les caractéristiques de la clientèle cible de ce mode de transport. Les usagers de l’autocar étant très sensibles au prix, le recours à des techniques de « yield management » conduisant à de fortes variations de prix, pourrait par conséquent être contraint. 

      c) La demande de services
      En nombre de voyageurs et en chiffre d’affaires
    3. Le cabotage ne peut être, dans le cadre réglementaire actuel, qu’un moyen d’améliorer le taux de remplissage des autocars, dont la vocation première reste de transporter des passagers internationaux.
    4. En outre, les opérateurs ont tous indiqué que ce mode de transport était encore peu connu et souffrait d’un déficit d’image handicapant sa progression, même si plusieurs opérateurs ont souligné que l’arrivée sur le marché d’iDBUS et les moyens de communication qu’il a engagés pour accompagner son lancement avaient pu contribuer à améliorer l’image du car et par là même, à accroître la demande globale. L’activité d’iDBUS aurait ainsi été porteuse d’externalités positives pour ses concurrents.
    5. Aussi la part modale du transport régulier par autocar en cabotage dans le transport de voyageurs est-elle infime par rapport à celle du ferroviaire.
    6. A ce stade de l’instruction, les données relatives au trafic et au chiffre d’affaires qu’il génère ne sont pas toutes disponibles. Seuls des ordres de grandeurs peuvent être donnés.
    7. On peut ainsi seulement relever que l’autocar a transporté sur des liaisons intérieures au plus 110 000 voyageurs au cours des douze derniers mois, quand les trains Intercités, les trains à grande vitesse (TGV) et les trains express régionaux (TER) transportent, respectivement, 100 000, 300 000 et 800 000 voyageurs par jour.
    8. La progression de la demande sur la première année complète d’exercice de la concurrence sur ce marché est difficile à interpréter, par définition. Les données disponibles à ce stade semblent toutefois indiquer une montée progressive du nombre de passagers transportés.
    9. Ces premières observations sont cohérentes avec ce qui a pu être relevé en Allemagne, où le marché du transport régulier par autocar a été ouvert plus récemment, en janvier 2013, mais aussi plus largement27. Les données disponibles font en effet état d’une augmentation 

      26 Sources : sites internet des opérateurs de transport par autocar.
      27 Pour une description de la réforme allemande du marché du transport régulier par autocar, voir A. Karl : « Legal and organisational developments in the German land passenger transport », Document de travail, 

    du nombre de voyageurs transportés par autocar sur des liaisons intérieures allemandes de 9% au premier trimestre 201328

    Les dessertes les plus demandées
    1. Les dessertes ayant accueilli le plus grand nombre de passagers sont pour l’essentiel des liaisons radiales, déjà desservies par le TGV. Les liaisons concentrant le plus grand volume de voyageurs sont en effet les suivantes : Paris-Bordeaux, Paris-Lyon, Paris-Strasbourg, Paris-Lille, Paris-Rennes, Paris-Nantes, Paris-Bayonne, Paris-Rouen et Paris-Poitiers.
    2. Parmi les 10 liaisons les plus fréquentées, une seule est une liaison transversale : Rennes- Rouen. Ceci peut s’expliquer par le fait que l’offre existante, étant donné le cadre réglementaire contraignant les dessertes intérieures, manque d’attractivité en termes de dessertes et d’horaires. 

      Le profil de la demande
    3. La clientèle des opérateurs de transport longue distance par autocar est constituée en grande majorité de voyageurs loisirs.
    4. Il s’agit aussi, pour l’essentiel, d’une clientèle jeune, et donc moins sensible au temps de parcours. Selon les opérateurs, entre 40 et 60% des clients ont en effet moins de 30 ans.
    5. La clientèle des seniors est également visée. Même si, à l’heure actuelle, les opérateurs du marché français constatent qu’elle ne constitue pas une fraction importante de la demande qui s’adresse à eux, ils considèrent qu’il s’agit d’un profil de clients à venir, au regard de ce qui est observé dans les pays où le marché du transport par autocar est plus mature.
    6. Ces profils de clients sont également ceux qui ressortent des études menées sur les caractéristiques de la demande de transport par autocar dans d’autres pays d’Europe où ce mode de transport est plus développé (Suède, Norvège, Royaume-Uni29,30). Ils correspondent à des usagers aux revenus modestes, prêts à choisir un mode de transport plus lent mais meilleur marché, dont la valeur du temps est donc moins élevée que celle des voyageurs se déplaçant pour des motifs professionnels notamment. Aussi l’élasticité prix de la demande de transport longue distance par autocar est-elle relativement élevée ; pour le marché britannique par exemple, elle est estimée à -1.0, ce qui contraste avec l’élasticité prix de la demande de transport public urbain par bus, estimée à -0.431

      Actes du colloque “13th International Conference on Competition and Ownership in Land Passenger Transport”, Septembre 2013.
      28 Source : K. Augustin, R. Gerike, M. J. M. Sanchez et C. Ayala: « Analysis of intercity markets on long distances in an established and a young market: The example of the U.S. and Germany », Document de travail, Actes du colloque “13th International Conference on Competition and Ownership in Land Passenger Transport”, Septembre 2013.
      29 Pour une étude des caractéristiques de la demande sur le marché britannique, voir par exemple J. Dargay : The prospects for longer distance coach, rail, air and car travel in Britain, Report by Institute of Transport Studies, Leeds, to the Independent Transport Commission, Janvier 2010.
      30 Pour une présentation synthétique des caractéristiques de la demande dans différents pays de l’OCDE, voir D. Van de Velde : Long-distance bus services in Europe : Concessions or free market ?, OECD Discussion Paper n °2009-21, décembre 2009.
      31 R. Balcombe, R. Mackett, N. Paulley, J. Preston, J. Shires, H. Titheridge: The demand for public transport: A practical guide. Transport Research Laboratory Report TRL593, 2004. Ce niveau d’élasticité est celui repris par la UK Competition Commission dans ces différents travaux sur le marché britannique du transport collectif routier, en particulier dans l’enquête sectorielle publiée en décembre 2011 : Local bus services 

    1. En cela, comme l’ont souligné tous les opérateurs présents sur le marché français, la demande qui s’adresse à eux, tout comme leur cible de clientèle, n’est pas celle des services de transport collectif terrestre existants, qui est moins sensible aux prix. Cela suggère que les opérateurs de transport par autocar se situent sur une niche de marché, constituée de clients qui ne voyageraient pas en l’absence d’une offre de services de transport collectif routier. Aussi peut-on s’attendre à ce que le développement de l’offre de transport par autocar induise un accroissement du nombre de déplacements, c’est-à-dire une extension du marché du transport collectif, plutôt qu’un report de trafic et donc un risque de «cannibalisation» d’autres modes de transport collectif, au premier rang desquels le transport ferroviaire.
    2. En revanche, tous les opérateurs font valoir que les utilisateurs de la voiture particulière constituent une cible importante de clientèle.
    3. Enfin, certains opérateurs ont indiqué qu’une part non négligeable de leur clientèle était constituée de familles. 

      2. LES FACTEURS DATTRACTIVITE DES LIAISONS ROUTIERES
    4. Plusieurs facteurs d’attractivité des liaisons intérieures du point de vue des opérateurs ont pu être identifiés par l’instruction : qualité du réseau routier et densité de la population (a), absence de solutions de transport à bas coût (b), insuffisance de l’offre ferroviaire (c).
    5. Une autre condition du développement de lignes routières intérieures est l’existence de gares routières dans les villes que les opérateurs envisagent de desservir. L’existence de gares routières tout d’abord, et l’accès aux gares existantes en second lieu, constituent des conditions nécessaires au développement de liaisons intérieures. Il s’agit, comme cela sera plus amplement développé plus loin, de contraintes fortes, présentées comme telles par tous les opérateurs. 

      a) Qualité du réseau routier et densité de population
    6. Pour la plupart des opérateurs, le mode collectif routier est attractif pour des distances comprises entre 300 kilomètres et 600 kilomètres. Au-delà, l’autocar ne serait plus dans sa « zone de pertinence ».
    7. Partant de cette délimitation du domaine de pertinence du mode collectif routier, les liaisons attractives pour les opérateurs, sur lesquelles de gros volume de trafic peuvent être anticipés, sont des liaisons empruntant des axes routiers efficaces, c’est-à-dire autorisant une vitesse commerciale élevée. La qualité des infrastructures routières, mais aussi le degré de congestion du réseau routier constituent donc un premier critère à prendre en compte pour apprécier l’attractivité de liaisons par autocar32.
    8. La densité du réseau autoroutier n’est toutefois pas un critère suffisant pour apprécier le volume de trafic et donc l’attractivité d’une ligne, du point de vue des opérateurs. Ce 

      market investigation, A report on the supply of local bus services in the UK (excluding Northern Ireland and London).
      32 Sétra (Service d’études sur les transports, les routes et leurs aménagements) : Choix modal en transport de voyageurs longue distance – Les critères prix et temps, Rapport d’étude, Juin 2012, Ministère de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie. 

    critère de densité du réseau routier doit en effet être conjugué avec un critère démographique de densité de population33.
    1. On peut en effet raisonnablement s’attendre à ce que les liaisons entre régions à faible densité de population (e.g. Limousin, Auvergne) soient faiblement attractives pour les opérateurs de transport collectif routier, et ce, même en présence d’un réseau routier de qualité. 

      Liaisons radiales
    2. A l’inverse, les liaisons radiales au départ de l’Ile-de-France sont amenées à attirer des volumes importants de trafic. Les opérateurs ont en effet tous souligné l’attractivité des liaisons au départ de Paris, considérant qu’il s’agit là des liaisons à plus fort potentiel, tant l’Ile-de-France est une aire géographique génératrice de trafic.
    3. Ainsi, les liaisons entre Paris et Lyon, Paris et Bordeaux, Paris et Lille et Paris et Rennes ont été présentées comme les liaisons à plus fort potentiel. Un des arguments avancés pour expliquer l’attractivité de la liaison routière Paris-Lyon est la forte part modale de la voiture particulière sur cette liaison, estimée à 30%. Cet argument illustre la pertinence des critères de qualité du réseau routier et de densité de population et rend compte, corrélativement, de ce que la clientèle visée par les autocaristes est constituée de voyageurs n’empruntant pas de mode de transport collectif. 

      Liaisons transversales entre capitales régionales
    4. Sont également amenées à attirer des voyageurs, pour les mêmes raisons, les liaisons transversales, entre capitales régionales, comme la liaison Lyon-Bordeaux, pour laquelle des opérateurs avaient sollicité davantage d’ouverture du marché avant même la réforme de 2011, ou encore les liaisons entre Rennes et Bordeaux, entre Lyon et Nantes ou encore entre Bordeaux et Nice via Toulouse et Montpellier. Ce type de liaisons présente un potentiel de trafic pour les autocaristes d’autant plus fort que l’offre ferroviaire y est souvent assez imparfaite (cf. paragraphes 159 à 162 ci-dessous), et que les prix des services de transport aérien y sont élevés.
    5. Il a toutefois fois été souligné au cours de l’instruction que certaines de ces liaisons transversales, bien qu’ayant un potentiel élevé de croissance, sont, en l’état actuel de la réglementation, difficiles à exploiter.
    6. Il peut en effet s’avérer difficile de trouver des passagers internationaux pour certaines de ces liaisons et, par conséquent, de mettre en place un service de cabotage répondant aux exigences de la clientèle intérieure. Il peut également, comme cela a déjà été mentionné, s’avérer difficile de rendre des liaisons intérieures attractives commercialement car les horaires qu’impose le régime actuel de cabotage réduisent de fait la clientèle nationale. C’est le cas notamment de la liaison radiale entre Paris et Bordeaux et de la liaison transversale entre Lyon et Clermont-Ferrand.
    7. Par ailleurs, comme déjà souligné au paragraphe 113, 96% des liaisons pour lesquelles les demandes d’autorisation ont systématiquement été refusées (soit 213 liaisons) se révèlent être des liaisons transversales. 

    33 Sétra, Juin 2012, rapport précité. 

    b) Absence d’alternatives modales à bas coût
    1. LesliaisonsparallèlesàdeslignesTGVsontconsidéréescommeattractivescarl’existence d’une ligne TGV témoigne de l’existence d’une demande de transport conséquente, que tous les clients potentiels n’ont pas nécessairement les moyens de satisfaire au travers d’un transport en TGV. Les liaisons en autocar permettent alors d’attirer les clients n’ayant pas les moyens de recourir au TGV, mais peu sensibles au temps de parcours, qu’il s’agisse de nouveaux voyageurs ou de clients habitués à utiliser leur voiture particulière. Comme indiqué précédemment, un des indicateurs utilisé par les opérateurs pour apprécier le potentiel de croissance du trafic sur une ligne de transport par autocar est en effet la part modale de la voiture particulière sur la liaison en question. Ainsi, la liaison entre Paris et Lyon, sur laquelle la part du trafic assurée par la voiture particulière est estimée à 30%, est considérée comme ayant encore un important potentiel.
    2. La plupart des autorisations de cabotage sur des lignes parallèles à des lignes TGV ont d’ailleurs été délivrées. Aussi, les liaisons par autocar parallèles à des lignes TGV mais non (encore) autorisées seraient attractives. C’est le cas de la liaison Paris-Reims par exemple. 

      c) Insuffisance de l’offre ferroviaire alternative
    3. Des services d’autocar pourraient également se développer et attirer de la clientèle sur des liaisons non ou insuffisamment desservies par un mode collectif, y compris pour des dessertes de gares ou d’aéroport. En comparaison avec d’autres pays, la qualité du réseau routier français devrait en outre permettre que ces services s’effectuent dans de bonnes conditions. On note en effet que la France dispose du réseau routier le plus vaste d’Europe, avec plus de 1 million de kilomètres de routes, dont 1,1% d’autoroutes et qu’elle est le 5ème pays européen pour la densité de son réseau routier, avec 1,9 kilomètre de route par km234.
    4. A titre d’exemple, les liaisons entre Clermont-Ferrand et Montpellier ou entre Lille et Metz, sur lesquelles l’offre régulière de transport collectif n’est pas suffisante puisqu’il n’existe pas de ligne ferroviaire directe, sont considérées comme des liaisons à fort potentiel de trafic35. Dans un autre ordre d’idées, les liaisons vers les stations de ski, qui ne sont pas desservies par le mode ferroviaire du fait des ruptures de charge et du caractère saisonnier des flux, pourraient utilement être desservies par l’autocar.
    5. Les liaisons desservies par le mode ferroviaire mais dont le temps de trajet est long, parce qu’il comprend un temps de rabattement important ou de nombreuses correspondances, ou sur lesquelles le matériel utilisé est vétuste voire obsolète, ce qui limite la vitesse commerciale et le confort du service, pourraient également être attractives pour l’autocar. Ces cas ne semblent pas rares. Sur la base d’un échantillon de 5086 liaisons interrégionales, un rapport du Sétra de juin 2012 relève en effet que, sur 30% des liaisons, l’offre ferroviaire présente une vitesse moyenne de moins de 60 km/h, tandis que la vitesse 

      34 Source : Les comptes des transports en 2012, Commissariat général au développement durable – Service de l’observation et des statistiques.
      35 Voir sur ce point la publication de la FNTV : « Développement des lignes routières en France ». 

    moyenne de l’autocar sur les liaisons de l’échantillon est estimée à 76 km/h36. La faible vitesse commerciale des trains sur certaines liaisons, qui peut s’expliquer par le nombre de dessertes de villes intermédiaires, des contraintes liées à l’exploitation du réseau ferroviaire (limite de vitesse de circulation) ou encore par des temps de correspondance importants, pourrait être un élément déterminant de l’attractivité d’une desserte par autocar de ces liaisons. Ce mode de transport dispose en effet d’un avantage comparatif par rapport au mode ferroviaire en termes d’ajustement des capacités (cf. paragraphe 192).
    162. En conclusion, il ressort de cette première section consacrée à la présentation du marché du transport régulier interrégional par autocar, que l’offre de services y est encore peu développée, notamment en raison des contraintes imposées par le cadre réglementaire. Ce marché naissant présente en outre une structure oligopolistique.
    1. Le développement de lignes routières par autocar présente-t-il un intérêt par rapport à l’offre existante ? Si oui, quels sont les facteurs permettant d’apprécier le potentiel d’attractivité d’une liaison routière ? 

    36 Source : Choix modal en transport de voyageurs longue distance – Les critères prix et temps, Service d’études sur les transports, les routes et leurs aménagements (Sétra), Ministère de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie, Juin 2012. 

    SECTION 2. LES EFFETS POTENTIELS DU DEVELOPPEMENT DE L’OFFRE DE TRANSPORT PAR AUTOCAR 

    I. Les gains escomptés
    1. Le développement d’une offre de transport interrégional par autocar correspond, en premier lieu, à l’émergence d’une offre routière « low cost », dont on peut attendre, à l’instar de ce qui a pu être observé dans le secteur aérien, qu’elle contribue à des gains de pouvoir d’achat, d’élargissement du marché et de diversification de l’offre (A).
    2. Les gains de l’ouverture du marché du transport collectif routier ne se limitent cependant pas à des gains de pouvoir d’achat. Un accroissement de la mobilité, dû à l’arrivée d’une offre « low cost » mais également un meilleur maillage du réseau de transport et la diversification de l’offre de transport sont également à attendre (B). 

    A. LES GAINS DE POUVOIR D’ACHAT POSSIBLES
    1. Les transports occupent une part importante du budget des ménages : en 2012, la part des transports dans les dépenses de consommation des ménages s’élevait en effet à 14,1%, tous modes confondus37. La part des services de transport représentait quant à elle 16,3% de l’ensemble des dépenses de transport, soit 2,3% de l’ensemble du budget des ménages français.
    2. Or, le développement des transports interurbains par autocar devrait améliorer le pouvoir d’achat des consommateurs grâce à des prix des billets plus compétitifs que ceux des autres modes de transport (1), une plus grande stabilité des tarifs (2) et à une pression à la baisse des prix des autres modes de transport (3). En cela, l’ouverture du marché du transport par autocar devrait contribuer à alléger la part du budget des ménages consacrée aux services de transport. 

      1. EFFET DIRECT SUR LES PRIX DU TRANSPORT
    3. Du point de vue des consommateurs, le premier intérêt de l’ouverture du marché du transport interurbain par autocar est la création d’une offre de transport à des prix plus compétitifs que ceux proposés par les autres modes de transport, et ce en raison de l’avantage en termes de coûts de production dont bénéficie ce mode par rapport aux autres modes de transport collectif, en particulier le mode ferroviaire. 

      37 Source : Les comptes des transports en 2012, Commissariat général du développement durable – Service de l’observation et des statistiques.
     
    1. Le transport par autocar offre en effet une alternative modale à un coût raisonnable car ne nécessitant pas d’investissement lourd dans les infrastructures et utilisant des matériels roulants facilement redéployables38.
    2. Atitreindicatif,lesélémentsrecueillis,àcestade,parl’instructionindiquentque,pourdes prestations de transport infrarégional équivalentes, les coûts d’exploitation du TER sont environ 3 fois supérieurs aux coûts d’exploitation de l’autocar et que cet écart est encore plus important lorsque l’on compare les coûts complets, c’est-à-dire que l’on tient compte des coûts d’infrastructure et de matériels roulants39.
    3. S’agissant du coût moyen du transport longue distance par autocar en France, il est estimé par les opérateurs à environ 2,20 euros par kilomètre, ce qui rend ce mode de transport plus compétitif que le train en termes économiques.
    4. La concurrence entre transporteurs routiers de voyageurs devrait permettre aux consommateurs de bénéficier de cet avantage en termes de coûts40, d’autant que, comme souligné précédemment, l’élasticité prix de la demande de transport par autocar longue distance est élevée. Aussi, même avec une structure de marché très concentrée, on peut s’attendre à une vive concurrence en prix entre les opérateurs.
    5. Comme relevé au paragraphe 122, pour une même liaison, les tarifs proposés aux voyageurs empruntant l’autocar sont plus attractifs que ceux d’autres modes collectifs, en particulier le TGV et le transport aérien, même « low cost ». En particulier, les billets de TGV apparaissent en moyenne deux fois plus chers que les billets de transport par autocar.
    6. Cedifférentieldeprixestconformeàcequipeutêtreobservédanslespaysayantuneplus grande expérience de la concurrence sur le marché du transport par autocar. Ainsi, en Grande-Bretagne et en Suède, les prix des billets de transport par autocar sont significativement inférieurs aux prix des billets de train, de l’ordre de 50%41.
    7. On s’attend en outre à ce que le prix des billets d’autocar soit d’autant plus bas que la concurrence entre autocaristes s’intensifie et que des opérateurs spécialisés dans les offres « low cost », tels que Megabus, entrent sur le marché, à l’instar de ce qui a pu être observé dans des pays ayant libéralisé le transport longue distance par autocar42.
    8. C’est également l’effet attendu de l’ouverture à la concurrence du marché du transport longue distance par autocar en Allemagne. Les prévisions disponibles à ce jour font en 

      38 Sur ce point, voir par exemple l’étude récente de Walter M., F. Haunerland et R. Moll (2010), Heavily regulated, but promising prospects : Entry in the German Express Coach Market, Transport Policy 18(2), pp. 373-381,
      39 Voir notamment le rapport Premiers éléments de réflexion sur la pertinence des modes fer et route pour les dessertes régionales, Certu, Sétra, Cete de Lyon, Cete Nord Picardie, 2013.
      40 Plusieurs études font état de l’impact positif de l’ouverture à la concurrence du marché du transport routier longue distance sur les prix. Voir notamment White P. (1995), Deregulation of local bus services in Great Britain, Transport Reviews 15(2), pp. 185-209.
      41 Study of passenger transport by coach – Final report, Rapport de Steer Davies Gleave préparé pour la Commission Européenne, Juin 2009.
      42 Voir sur ce point le document de travail de K. Augustin et al. (203) précité, dans lequel les auteurs montrent qu’en Allemagne et aux Etats-Unis i) le nombre de concurrents sur une ligne routière a un impact à la baisse statistiquement significatif sur le prix des billets et, ii) l’arrivée sur le marché de transporteurs clairement positionnés sur le segment « low cost » a un effet quasi-immédiat sur les prix pratiqués par l’ensemble des opérateurs du marché. 

    effet état d’une baisse des prix des billets de transport longue distance par autocar en Allemagne de l’ordre de 30%43 consécutivement à la libéralisation du marché. 

    2. MOINDRE VARIABILITE DU BUDGET « TRANSPORT » DES MENAGES
    1. Un autre effet potentiel bénéfique sur le pouvoir d’achat des ménages attendu du développement de l’offre de transport par autocar est de permettre aux usagers d’acheter leur billet peu de temps avant le départ sans supporter une forte variation des tarifs. Les opérateurs actuellement présents sur le marché garantissent ainsi à leur clientèle des tarifs permanents, c’est-à-dire qui varient très peu en fonction de la date de réservation.
    2. Les prix peuvent être modulés selon la période de la semaine et de la journée mais la variation qui résulte de cette modulation est faible. Ainsi, comme relevé au paragraphe 126, pour une même liaison, la variation des tarifs des billets d’autocar constatée par l’instruction est de l’ordre de 20% en moyenne quand la variation des tarifs des billets TGV est de l’ordre de 95% en moyenne44.
    3. En outre, le prix des billets d’autocar ne varie pas en fonction de la date de départ. Aux périodes de pic de fréquentation (vacances scolaires, jours fériés, week-ends prolongés), les prix des billets d’autocar ne varient pas, contrairement à ceux des billets de TGV.
    4. En introduisant une offre de transport régulier à des tarifs stables, le transport par autocar devrait aussi permettre de réduire l’incertitude relative au budget « transport » des ménages. En effet, même si des techniques de « yield management » étaient amenées à être plus largement utilisées à l’avenir par les opérateurs du marché du transport par autocar, compte tenu de la forte sensibilité au prix des usagers de ce mode de transport, la variabilité des tarifs ne pourrait qu’être faible. 

      3. EFFET INDIRECT SUR LES PRIX DES AUTRES MODES DE TRANSPORT
    5. Dans le secteur aérien, il a pu être constaté un effet indirect de l’arrivée de transporteurs « low cost » sur les tarifs proposés par les compagnies aériennes « traditionnelles » pour les liaisons en concurrence. Cet effet, aussi appelé « effet Southwest », du nom de la compagnie américaine pionnière du « low cost » aérien, consiste en un mimétisme tarifaire des compagnies de transport aérien en place qui réduisent leurs tarifs, d’abord à l’annonce de l’arrivée d’un concurrent « low cost » sur les liaisons qu’elles desservent, puis aussi, une fois le concurrent implanté45

      43 H. Ströβenreuther: Opening the intercity bus an d coach market in Germany: challenges and opportunities, Actes du IRU Bus and Coach Workshop, Long Distance Bus and Coach Transport in Europe : (re) Discorvering the wheel, Bruxelles, 29 février 2012.
      44 Calculs effectués pour les 10 liaisons les plus fréquentées par les usagers de l’autocar.
      45 Sur l’impact de l’arrivée de la compagnie « low cost » Southwest Airlines aux Etats-Unis sur la politique tarifaire des compagnies aériennes historiques, voir l’article de A. Goolsbee et C. Syverson : How Do Incumbents Respond to the Threat of Entry? The Case of Major Airlines, Quarterly Journal of Economics, 123(4), Novembre 2008, 1611-1633. Dans cet article, les auteurs ont pu montrer que la seule annonce de l’arrivée de ce concurrent « low cost » à l’aéroport de Washington Dulles en 2006 a entraîné une diminution des tarifs des vols des compagnies déjà implantées de 24%, qui a été suivie d’une seconde baisse des prix de 21 à 29% une fois le service établi. De même, une étude de E. Combe estime qu’au cours de la période 2007- 2009, l’entrée sur l’aéroport de Lyon Saint Exupéry de compagnies « low cost » a permis aux clients restés 

    1. Dans le secteur des transports collectifs terrestres, il peut être pertinent de se demander si l’arrivée d’une offre routière « low cost » pourrait se traduire par un tel effet indirect. On pourrait envisager que sur une ligne existante, l’arrivée d’une offre par autocar incite les opérateurs servant déjà cette ligne avec un autre mode (ferroviaire ou covoiturage) à baisser leurs prix. Cet effet bénéficierait aux clients restés fidèles à l’opérateur préexistant de sorte que l’arrivée d’une offre de transport routier aurait comme conséquence une baisse généralisée du prix du transport collectif terrestre. Un tel effet a ainsi pu être observé en Grande-Bretagne où certaines catégories de billets de train ont vu leur tarif baisser en réponse à l’arrivée de la concurrence des autocars. C’est notamment le cas des tarifs des billets longue distance en période creuse46.
    2. Cependant, en France ,du fait du différentiel de temps de trajet important et de la très faible substituabilité entre ces modes qu’il entraîne, en particulier entre le mode routier et le mode ferroviaire à grande vitesse, un tel effet est toutefois peu probable.
    3. Reste cependant que le développement récent d’une offre de transport ferroviaire à grande vitesse sur la liaison entre Marne-la-Vallée et Lyon (offre Ouigo), bien qu’elle ne puisse être interprétée comme la conséquence de l’ouverture du marché du transport par autocar, rend compte de la volonté de l’opérateur ferroviaire de se positionner sur le segment du transport « low cost ». Or, on ne peut exclure que la poursuite d’une telle stratégie soit, toutes proportions gardées, indirectement influencée par le développement de l’offre de transport collectif routier.
    4. En outre, on ne peut exclure que le développement de l’offre de transport par autocar ait une influence sur le prix du transport en covoiturage et que le prix des billets de transport en autocar joue le rôle de prix plafond des prestations de covoiturage. 

    B. LA DIVERSIFICATION DE L’OFFRE DE TRANSPORT COLLECTIF
    185. Ledéveloppementd’uneoffredetransportinterurbainparautocarpermettra,d’unepart,de répondre à la demande de clients à revenus modestes (1), d’autre part, d’organiser des liaisons à ce jour délaissées par les opérateurs ferroviaires (2), et ce, avec une plus grande flexibilité (3).
    2. Dans quelles mesures le développement de l’offre de services de transport par autocar peut-il affecter le budget « transports » des ménages, en particulier ceux aux revenus les plus modérés ?
    fidèles à l’opérateur historique d’économiser 86 millions d’euros (E. Combe : Les vertus cachées du low cost aérien, Note Fondapol, 2010).
    46 P. White et D. Robbins (2012) précités. 

    1. EFFET « DINDUCTION DE TRAFIC »
    1. De manière générale, l’arrivée sur un marché d’une offre de transport « low cost » se traduit le plus souvent par une augmentation du trafic et donc de la taille du marché, la baisse des prix incitant de nouvelles catégories de la population à voyager. En ce sens, le « low cost » donne accès au transport à une clientèle qui jusqu’ici ne voyageait pas et participe ainsi à une forme de « démocratisation » du transport. Ainsi par exemple, l’entrée d’Easyjet en 1995 sur la liaison Londres-Barcelone, auparavant desservie par le duopole Iberia-British Airways, a entraîné une multiplication par cinq du trafic en dix ans47. De même, l’arrivée de compagnies aériennes « low cost » à l’aéroport de Lyon aurait entraîné un doublement du trafic48. Un même phénomène peut être attendu de l’arrivée d’une offre de transport collectif routier.
    2. En effet, dans les exemples européens ou sur les liaisons internationales, les transports par autocar s’adressent a priori à des personnes prêtes à voyager plus longtemps pour réduire le coût de leurs voyages et dont le déplacement est aujourd’hui freiné par ce coût. Des études de clientèle réalisées par les opérateurs présents sur le marché français indiquent ainsi que plus de 40% des passagers en cabotage ont moins de 26 ans. Malgré un handicap manifeste en termes de temps de trajet, le transport par autocar attirerait donc des clients à revenus modestes et peu sensibles au temps de parcours, qui ne voyageraient sans doute pas si le train, l’avion ou la voiture constituaient les seules alternatives modales.
    3. Les opérateurs du marché français font eux-mêmes valoir que le développement d’une offre de transport collectif routier crée de nouveaux usages. Tous indiquent que l’arrivée d’une offre de transport par autocar permet à une clientèle voyageant peu voire pas du tout de voyager davantage (ex: étudiants, personnes âgées) de sorte que le volume d’activités augmente. Cette induction de trafic est due au fait que les prix des billets par autocar sont en moyenne plus bas que ceux des billets de train et d’avion et qu’ils peuvent être moins onéreux que l’usage de la voiture particulière
    4. Cet effet d’induction de trafic ressort clairement de l’instruction, sans qu’il soit possible, à ce stade, de le mesurer avec précision. Toutefois, sur le marché du transport par autocar sur des lignes intérieures en France, la part de la clientèle « induite » par l’émergence d’une nouvelle offre est actuellement estimée par les opérateurs eux-mêmes entre 20 et 30%49. Autrement dit, entre 20 et 30% des usagers des lignes intérieures interrégionales desservies par autocar n’auraient pas voyagé en l’absence d’une telle offre et ce alors même que ce mode de transport est encore peu connu et souffre toujours d’un déficit d’image en France.
    5. Aussi, pour les individus ayant de fortes contraintes de budget, l’introduction d’une offre de transport par autocar à faible coût contribuerait à un élargissement du marché et pourrait représenter une amélioration de bien-être. Cet effet serait en outre d’autant plus important que de nouvelles liaisons sont ouvertes, notamment des liaisons transversales non desservies par d’autres modes de transport. 

      47 E. Combe, Le Low Cost, La Découverte, Repères, 2011.
      48 E. Combe, Les vertus cachées du low cost aérien, Etude Fondapol, 2010.
      49 Dans le secteur aérien, en France, cet effet d’induction peut atteindre jusqu’à 40% sur certaines lignes (cf. E. Combe, Le Low Cost, La Découverte, Repères, 2011, page 94).

    2. ACCROISSEMENT DU NOMBRE DE DESSERTES
    1. Danslespaysayantuneplusgrandeexpériencedelalibéralisationdumarchédutransport collectif routier, comme la Grande-Bretagne ou les pays scandinaves, les réseaux de transport par autocar longue distance, comme tous les réseaux de transport collectif, sont denses autour des principaux centres d’activités, le volume de trafic sur les liaisons entre ces pôles en justifiant l’exploitation commerciale50. Les liaisons radiales au départ des capitales (Londres) et les liaisons transversales entre capitales régionales (Birmingham, Glasgow, ...) constituent donc le réseau principal. Le fait que les services de transport par autocar longue distance soient exploités sans recours aux fonds publics explique que la viabilité financière de l’exploitation soit un critère central de la définition des liaisons desservies.
    2. Toutefois, à la différence du transport ferroviaire, dans le secteur routier, des flux de trafic de bien plus faible densité peuvent suffire à soutenir une exploitation financièrement rentable. En outre, l’interface d’infrastructure physique du transport routier offre davantage de possibilités de dessertes que l’interface ferroviaire de sorte que le nombre de dessertes en autocar et donc de liaisons routières est potentiellement plus élevé que pour le transport ferroviaire. Pour ces raisons, un réseau plus étendu et des villes plus petites peuvent être couverts par le mode de transport par autocar.
    3. Le développement de l’offre de transport par autocar devrait donc permettre de mieux se déplacer sur le territoire, parce que ce mode permet de resserrer le maillage du réseau de transport collectif terrestre et de rendre un service de point à point, contrairement au train.
    4. Aussi, le développement du transport par autocar pourrait-il permettre d’élargir l’offre de transport collectif aux liaisons non ou insuffisamment desservies par le mode ferroviaire. Une offre de transport routier pourrait être attractive et présenter un gain pour le bien-être collectif sur les liaisons pour lesquelles le service ferroviaire n’est pas plus rapide que la route, ou lorsque le trajet requiert des changements compliqués voire des correspondances entre deux gares parisiennes qui, non seulement allongent le temps de trajet, mais le rendent inconfortable, ou enfin lorsque la fréquence offerte sur la liaison ferroviaire est très faible. 

      3. FLEXIBILITE ACCRUE
    5. Le transport routier possède, enfin, un atout structurel, celui de s’adapter rapidement aux évolutions des besoins de la clientèle, en termes de dessertes, de fréquences ou encore de délais de réservation51.
    6. L’adaptation du service en autocar est en effet facilitée par le fait que ce mode nécessite peu d’infrastructures dédiées. Il offre donc plus de flexibilité, du point de vue des opérateurs capables d’adapter leur offre de services à des besoins nouveaux et à des changements de préférences des usagers.
    7. Ainsi,parexemple,enGrande-Bretagne,ledéveloppementdeservicesdirectsdetransport routier longue distance vers les principaux aéroports (notamment Heathrow) et l’ajout de 

      50 White P. et Robbins D., Long-term development of express coach services in Britain, Research in Tranportation Economics 36 (2012), 30-38.
      51 Des études de clientèle réalisées par les opérateurs montrent que 50% des achats ont lieu dans les quatre jours précédant le départ. 

    dessertes dans les campus universitaires, qui ont fait suite à l’ouverture du marché en 1980, sont présentés comme des illustrations de la capacité du mode routier à s’adapter aux évolutions de la demande de transport52.
    198. Pour les consommateurs, ce gain en flexibilité participe également des frais d’annulation réduits voire nuls et de la possibilité de réservation de dernière minute à des tarifs compétitifs. Ce faisant, les contraintes de planification du voyage sont allégées, facilitant la mobilité des individus. 

    C. LES GAINS POUR LA COLLECTIVITE
    1. D’un point de vue plus général, le développement du transport régulier par autocar en France pourrait bénéficier à la collectivité dans son ensemble et non pas seulement aux usagers de ce mode de transport.
    2. Des gains en termes d’emploi sont par exemple à attendre du développement du marché du transport par autocar. Ainsi, dans une étude parue en août 2013, l’OPCA Transports anticipe un taux de croissance du nombre d’emplois dans le secteur du transport routier interurbain de voyageurs compris entre 1,5% et 3% par an à horizon 202053.
    3. Enfin, s’agissant de l’impact sur l’environnement, une étude récente de l’ADEME54 rend compte des bonnes performances énergétiques du transport par autocar55. Ce rapport indique en effet que, en zone régionale, l’efficacité énergétique moyenne par voyageur transporté des autocars est meilleure que celle des autres modes, le taux d’occupation moyen observé en France étant très élevé (environ 66%). En cas de taux d’occupation réduit, l’autocar devient en revanche moins performant que le TER moyen, les émissions pouvant même être comparables à celles des véhicules particuliers. De même, l’efficacité énergétique des autocars en zone interrégionale est supérieure à celle des autres modes de transport. Les émissions de gaz à effet de serre des autocars sont en effet inférieures à celles des autres modes, notamment les trains TGV et Intercités. Toutefois, des recouvrements de performances peuvent exister entre les trains grandes lignes et les autocars, selon le taux d’occupation. Ainsi, les émissions des trains grandes lignes chargés à 15% sont supérieures à celles des autocars chargés à 80%, toutes choses égales par ailleurs. 

      52 Voir White P. et Robbins D. précités.
      53 Contrat d’Etudes Prospectives des transports routiers, maritimes et fluviaux, Rapport final, OPCA Transports et DGEPF, Août 2013.
      54 Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, établissement public à caractère industriel et commercial, placé sous la tutelle conjointe des ministères en charge de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, et de l'enseignement supérieur et de la recherche.
      55 Efficacité énergétique des modes de transport, Etude réalisée pour le compte de l’ADEME par Deloitte, Janvier 2008. 

    3. D’autres gains pour la collectivité sont-il à attendre d’une ouverture plus large du marché du transport collectif par autocar (par exemple en termes de développement de du tourisme, de mobilité des étudiants, etc.) ?
    1. Le développement des liaisons interrégionales routières est-il à l’inverse susceptible de générer des externalités négatives ?
    2. Les conséquences sur le bien-être collectif de l’ouverture du transport par autocar sont-elles différentes pour les liaisons interrégionales et pour les liaisons infrarégionales ?
    II. Concurrence ou complémentarité entre modes de transport ?
    1. Une des conséquences éventuelles du développement de l’offre de transport par autocar mise en avant par certains observateurs du marché est le risque de « cannibalisation » des services ferroviaires par les services routiers. Cette position, bien que minoritaire, et l’existence d’une autorisation dont le critère consiste à apprécier si l’ouverture d’une liaison de cabotage est susceptible de remettre en cause l’équilibre d’une ligne conventionnée, notamment ferroviaire, amènent à s’interroger sur les façons dont cette atteinte pourrait se produire. Par exemple, le développement du car pourrait-il avoir des conséquences négatives sur le taux de remplissage des trains ?
    2. Ces considérations amènent ainsi à s’interroger sur la réalité et les modalités d’une éventuelle concurrence entre le car et le train sur les liaisons interrégionales (A). Sur les liaisons intra-régionales, les cas où le car est substitué au train dans le cadre de services conventionnés permettent d’apporter un éclairage supplémentaire à la question d’une éventuelle concurrence entre modes ferroviaire et routier (B). Enfin, mesurer la concurrence intermodale amène à s’intéresser à un mode de transport terrestre alternatif considéré comme le principal concurrent de l’autocar, le covoiturage (C). 

    A. LES CRITERES D’ANALYSE DE LA CONCURRENCE ENTRE LE CAR ET LE TRAIN SUR LES LIAISONS INTERREGIONALES
    1. Certains facteurs doivent être analysés pour pouvoir établir si, d’un point de vue théorique ou d’un point de vue pratique, le train et le car doivent être considérés comme complémentaires ou au contraire substituables, et donc concurrents. Les principaux critères sont l’appréciation des temps de trajets et le prix (1) ainsi que les besoins spécifiques des clientèles adressées et leur sensibilité au prix (2). Au regard de ces critères et des contraintes de capacité des différents modes, l’offre de transport par autocar apparaît avant tout constituer une alternative complémentaire à l’offre ferroviaire (3).
      1. TEMPS DE PARCOURS ET PRIX DU BILLET
    2. Dans les secteurs des transports, l’analyse concurrentielle s’effectue généralement en retenant une définition de marché pertinent ligne par ligne, chaque ligne, ou origine- destination, constituant un marché pertinent. C’est notamment l’approche qui a été retenue par la Commission dans la décision du 12 août 2010 autorisant la prise de contrôle par
    Veolia Environnement et la Caisse des Dépôts et Consignations de Veolia Transdev56. Elle est également cohérente avec la pratique décisionnelle de la Commission en matière de transport aérien et de transport ferroviaire de voyageurs. Ainsi, dans la décision de la Commission n°COMP/M.3150, SNCF/Trenitalia du 4 août 2003, la Commission indiquait : « afin de définir les marchés géographiques pertinents dans le secteur des transports, la Commission a développé l’approche de paire point d’origine – point de destination (O&D) Selon cette approche, chaque combinaison O&D devrait être considérée comme un marché distinct du point de vue de la demande »57. De même, dans sa décision n° 07-D-39 du 23 novembre 2007, le Conseil de la concurrence a retenu une approche origine-destination et a considéré comme marché pertinent la route Paris- Londres, sur lequel l’avion et le train était en concurrence58. Dans sa décision n° 12-DCC- 154 du 7 novembre 2012 relative à la prise de contrôle exclusif d’actifs de la société SeaFrance par la société Groupe Eurotunnel, l’Autorité de la concurrence a suivi une approche similaire et a procédé à une analyse de substituabilité ligne par ligne59.
    1. La possible substitution entre modes de transport s’analyse donc ligne par ligne, en tenant compte d’un certain nombre de facteurs, comme le temps et le coût du trajet. En effet, lorsqu’un usager dispose, pour un déplacement donné, d’offres de transport alternatives reposant sur des modes différents, le temps est un paramètre essentiel du choix modal qu’il effectue. Pour en tenir compte, il convient, dans une analyse de la concurrence intermodale, de monétariser le temps de déplacement c’est-à-dire d’estimer la valeur du temps, que l’on peut définir comme le prix qu’un usager est prêt à payer pour diminuer la durée de transport.
    2. Cefaisant,ildevientpossibledecomparerdesmodesdetransportalternatifsetd’apprécier l’arbitrage à l’œuvre lorsque, sur une même origine-destination, un mode rapide mais cher (par exemple le train) et un mode plus lent mais meilleur marché (par exemple l’autocar) coexistent.
    3. L’estimation de la valeur du temps permet en effet de mesurer le coût généralisé supporté par un usager pour un trajet modal, que l’on peut définir de la manière suivante :

    où, est le coût généralisé d’un déplacement sur la liaison OD avec le mode de
    transport M, est la valeur du temps avec le mode M, est le temps de trajet sur la liaison OD avec le mode M et P est le prix payé par l’usager.
    209. Une telle approche a été utilisée récemment par le Sétra60 pour analyser le choix modal en transport terrestre de voyageurs longue distance en France61. Cette analyse repose sur un 

    56 Décision n° COMP/M.5741 – CDC/Veolia Environnement/Transdev/Veolia Transport du 12 août 2010. 57 Décision n° COMP/M.3150, SNCF/Trenitalia du 4 août 2003, §25.
    58 Décision n° 07-D-39 du 23 novembre 2007 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du transport ferroviaire de personnes sur la route Paris-Londres, §80 et s.
    59 Décision n° 12-DCC-154 du 7 novembre 2012 relative à la prise de contrôle exclusif d’actifs de la société SeaFrance par la société Groupe Eurotunnel, §13 et s. Voir également la décision n° 11-DCC-189 du 9 décembre 2011 relative à la prise de contrôle exclusif d’actifs de la société SeaFrance et de la société LD Lines par la société DFDS, §12 et s.
    60 Service d'études sur les transports, les routes et leurs aménagements du Ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer. 

    grand nombre d’hypothèses sur la valeur du temps mais aussi sur les temps de trajet et les prix. En particulier, la valeur du temps retenue pour chaque mode est une moyenne, et ne tient donc pas compte des différences de sensibilité au temps entre usagers. En outre, seules 18 origines-destinations interrégionales y sont étudiées, pour lesquelles, qui plus est, l’amplitude des temps de parcours en train est très large62. Aussi, l’étude ne permet pas de tirer de conclusions pour l’ensemble des liaisons interrégionales. Elle fournit cependant un certain nombre d’enseignements et reste, à ce jour, la seule analyse robuste apportant des éléments d’appréciation tangibles de l’arbitrage à l’œuvre entre les modes ferroviaire et routier en France. Comme le déplorait en effet, en 2010, le rapport du Conseil général de l’environnement et du développement durable sur les services de transport d’intérêt national63, la réflexion sur les conditions de concurrence entre mode routier et ferroviaire est peu approfondie et les rares études permettant d’appréhender la substituabilité entre les modes sont trop anciennes (elles datent des années 1970) pour que leurs conclusions puissent être utiles.
    1. Du fait notamment des fortes fluctuations des temps de trajets en train auxquelles conduisent les hypothèses de l’étude Sétra, et du petit nombre de liaisons qui y sont étudiées, les résultats de l’étude doivent être interprétés avec précaution. Ils sont néanmoins cohérents avec les déclarations des acteurs du marché quant à l’existence d’un seuil au-delà duquel le mode routier ne serait pas pertinent, évalué à 600 kilomètres par les acteurs du marché, et qui apparaît être de l’ordre de 500 kilomètres d’après l’étude64. Au- delà d’un tel seuil et au regard des seuls critères de temps de trajet et de prix, la concurrence entre les modes ferroviaire et routier serait donc très limitée.
    2. Les résultats de l’étude sont également cohérents avec les déclarations des acteurs du marché quant à l’imparfaite substitution entre les modes ferroviaire et routier pour des distances inférieures à 500-600 kilomètres. En effet, la comparaison des coûts généralisés de chacun des deux modes sur les 18 liaisons interrégionales étudiées met plutôt en avant l’idée de complémentarité entre le car et le ferroviaire, l’autocar se révélant rarement plus compétitif que le train en termes de coût généralisé de déplacement. L’existence d’une concurrence entre les modes collectifs terrestres semble donc loin d’être avérée, les risques de report de la clientèle des services ferroviaires vers le mode routier l’étant encore moins. 

      2. PARTICULARITES DE LA CLIENTELE
    3. Les transporteurs s’accordent tous pour indiquer que l’autocar vise une clientèle peu sensible au temps de parcours mais fortement sensible au prix : jeunes et étudiants, seniors, petits budgets, personnes non actives, pour qui la durée de transport et certains aléas quant à l’heure d’arrivée ne sont pas importants, ou qui ne prévoient pas leurs voyages en avance 

      61 Choix modal en transport de voyageurs longue distance – Les critères prix et temps, Sétra, Ministère de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie, Rapport d’étude, Juin 2012.
      62 Les fluctuations des temps de trajet retenues dans cette étude sont en effet très prononcées pour le mode ferroviaire, ce qui désavantage ce mode.
      63 Services de transport d’intérêt national, Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), Rapport n °007141-01, octobre 2010.
      64 Pour les 18 liaisons interrégionales retenues dans l’étude, le coût généralisé de déplacement de chaque mode a été estimé selon la formule supra à partir d’hypothèses sur les temps de parcours. Les résultats ont ensuite été mis en parallèle des caractéristiques de chaque liaison et il ressort que pour les liaisons de plus de 500 kilomètres le coût généralisé d’un déplacement en autocar est systématiquement plus élevé que le coût généralisé d’un déplacement en train. 

    de manière à bénéficier de tarifs bas. Cette catégorie de clients renvoie à la distinction opérée par la Commission dans ses analyses concurrentielles dans le secteur des transports entre voyageurs « time-sensitive » et voyageurs « non time-sensitive »65.
    1. Tous les autocaristes indiquent considérer que leurs offres génèrent un surplus de voyageurs, ou « induction de trafic », car les services qu’ils proposent s’adressent en premier lieu à des usagers qui ne voyageraient pas en l’absence d’une telle offre. Le report modal au détriment d’autres modes de transports, le train notamment, leur semble donc très faible.
    2. Une autre clientèle spécifique est ciblée, celle desa utomobilistes,identifiés comme prêts à effectuer l’OD avec un temps de transport similaire. C’est d’ailleurs un axe fort de la communication de certains autocaristes longue distance: «L’offre iDBUS s’adresse principalement aux automobilistes, qui recherchent un mode de transport simple d’usage, plus économique, plus sûr et sans concession sur le confort. Pour 80 % des déplacements de plus de 100 km en France, les voyageurs ont fait le choix de la voiture individuelle, une tendance qui s’est généralisée en Europe. Les études-clients préalables au projet iDBUS, comme l’identification du profil des premiers voyageurs, montrent que l’attractivité du car est plus forte auprès des automobilistes qu’auprès des utilisateurs du train. ». De manière générale, et comme déjà indiqué au paragraphe 152, un des critères retenus par les opérateurs pour déterminer l’attractivité d’une liaison routière est la forte part modale de la voiture particulière sur la liaison en question, ce qui rend compte de ce que la clientèle visée par les autocaristes n’est pas celle des services ferroviaires.
    3. Certains besoins accessoires des voyageurs peuvent également être déterminants du choix du mode collectif routier plutôt que d’autres modes de transport. Comparé au transport aérien « low cost », l’autocar peut ainsi apparaître plus adapté au transport gratuit en soutes de bagages nombreux ou massifs et offre davantage de services à bord comparativement aux services aériens de court et moyen courrier (wifi par exemple). De même, l’autocar longue distance permet, à l’occasion de trajets nocturnes longs, d’économiser sur l’hébergement, ce qui peut être un avantage pour ce mode de transport, particulièrement sur les liaisons pour lesquelles le temps de parcours (et le prix) entre autocar, d’une part, et train voire avion, d’autre part, est important. Les offres des transporteurs prévoient fréquemment dans cette perspective des départs en soirée (cf. supra § 121). 

      3. CONTRAINTES DE CAPACITE
    4. Le mode collectif routier est davantage contraint en capacité que le mode ferroviaire, en raison des matériels roulants utilisés (dont le nombre de places assises tend d’ailleurs à se réduire à mesure que le confort proposé s’améliore) et de la congestion routière. Ainsi pour illustration, des autocars longue distance confortables comprennent autour de 50 places, tandis que les TET en proposent en moyenne 60066. Aussi, sur les liaisons interrégionales à forte densité de trafic, où le mode lourd qu’est le ferroviaire est tout particulièrement adapté, les risques que le transport collectif routier vienne capter une part substantielle de la demande ferroviaire apparaissent très limités. 

      65 Voir par exemple la décision n ° COMP/M.3770, LUFTHANSA/SWISS, du 4 juillet 2005.
      66 Source SNCF, rapport de gestion de l’exécution de la convention d’exploitation des trains d’équilibre du territoire (TET) pour l’année 2011. 

    1. Sur les liaisons à faible densité de trafic ferroviaire ou dans les périodes creuses de l’offre ferroviaire, l’autocar pourrait en revanche être plus attractif que le train du point de vue des usagers. Or, dans la mesure où cette attractivité découlerait de l’insuffisance de l’offre ferroviaire, on ne peut considérer que l’offre de services routiers viendrait concurrencer l’offre ferroviaire sur les liaisons en question.
    2. Certains Etats membres, comme l’Allemagne, ont par ailleurs vu dans l’ouverture du marché du transport par autocar un moyen d’alléger les contraintes budgétaires pesant sur les finances publiques.
    3. En conclusion, il ressort de l’ensemble des arguments développés que l’autocar et le train paraissent difficilement pouvoir être considérés comme des modes de transport substituts de sorte que la concurrence entre ces modes sur les liaisons interrégionales semble pour le moins limitée.
    4. C’est d’ailleurs ce qu’ont indiqué les opérateurs au cours de l’instruction. C’est aussi ce qui ressort des expériences étrangères de libéralisation du transport par autocar. En effet, au Royaume-Uni comme en Espagne ou dans les pays scandinaves, l’ouverture du marché du transport par autocar n’a pas freiné le transport ferroviaire.
    5. D’un point de vue plus pragmatique, on notera en outre que les acteurs du marché de l’autocar ont indiqué ne pas tenir compte des prix des billets de train, TET et, a fortiori, TGV, dans la détermination de leurs propres tarifs, ce qui tend à corroborer l’argument d’une faible substituabilité entre les deux modes.
    6. Dans ces conditions, et à ce stade, il est délicat d’établir les conditions et circonstances dans lesquelles le développement du car pourrait avoir des conséquences négatives sur le taux de remplissage des trains et risquerait donc de porter atteinte à l’équilibre économique d’une ligne ferroviaire.
    1. Quelle induction de trafic serait générée par le développement du transport par autocar ?
    2. Dans quelle mesure peut on considérer que l’autocar constitue un complément à d’autres moyens de transports collectifs comme le train ou l’avion, en particulier sur les liaisons transversales ?
    3. Existe-t-il des éléments susceptibles de remettre en cause l’appréciation d’une concurrence intermodale très limitée entre l’offre ferroviaire et liaisons par autocar ?
    4. Si oui, dans quel cas l’ouverture d’une ligne de transport par autocar peut-elle porter atteinte à l’équilibre économique d’une ligne subventionnée ?
    5. La substitution du train par l’autocar sur des liaisons à faible densité de trafic peut-elle être un moyen de réduire les dépenses publiques ? 

    B. LE CAS DES LIAISONS INTRA-REGIONALES
    223. Si l’autocar peut être jugé dans son domaine de pertinence sur des liaisons intra-régionales (moyenne-longue distance), la fourniture de services en open access est exclue par le cadre, car il existe une compétence réservée des régions pour l’organisation des services routiers, car les services ferroviaires intra-régionaux sont organisés sous forme conventionnée et enfin car les services de cabotage sont par définition exclus. Il n’y a donc pas de concurrence sur le marché et les seules formes de concurrence possibles relèvent de la concurrence pour le marché.
    1. Le cadre réglementaire réserve en effet une place importante aux régions dans laf ourniture de services réguliers de transports, ferroviaires et routiers :
      • -  L’article L. 3111-2 du code des transports régit les services routiers réguliers non urbains d’intérêt régional organisés par la région. Ces services sont inscrits au plan régional établi et tenu à jour par la Région, après avis des départements et des Autorités organisatrices des transports urbains. Ils font l’objet de conventionnements selon les modalités prévues aux articles L. 1221-3 et suivants du même code.
      • -  L’article L. 2121-3 concerne l’organisation des transports ferroviaires régionaux. Y sont inclus notamment les « services routiers effectués en substitution de ces services ferroviaires ».
    2. Undéveloppementdusecteurdel’autocaretducadreréglementaireyafférentestpourtant susceptible d’avoir des effets sur la concurrence (pour le marché) et des ressources publiques pouvant être consacrées à ces services.
    3. Depuis le 1er janvier 2002, la région est en effet autorité organisatrice des transports régionaux de voyageurs, désignés par le sigle « TER » (Transport express régional). Ces derniers sont constitués par les services ferroviaires régionaux proprement dits (les services réguliers d’intérêt régional précités) mais également par les services routiers effectués en pratique par autocar en substitution des services ferroviaires (les services de substitution précités).
    4. A ce titre, les régions décident, sur l'ensemble de leur ressort territorial, du contenu du service public de transport régional de voyageurs (dessertes, tarification, qualité du service, information de l'usager) dans le respect de la cohérence et de l’unité du système ferroviaire. En vertu de son monopole d’exploitation des services ferroviaires sur le réseau ferré national, la SNCF est demeurée jusqu’à présent l'exploitant unique de ces transports, dans le cadre de conventions «TER» signées avec les régions métropolitaines, conformément à l’article L. 2121-4 du code des transports.
    5. Il y a lieu de remarquer que le code des transports n’indique pas quels transports routiers de substitution doivent être intégrés dans la convention entre l’autorité organisatrice régionale et la SNCF. C’est là une faculté relevant de l’appréciation de la région organisatrice (ce que constate notamment une circulaire ministérielle du 3 décembre 2011). Dès lors, certaines régions, comme la Région Provence-Alpes-Côte-D’azur, ont pu décider de retirer les services routiers du champ de leur convention TER.
    6. Lorsque ces services routiers sont intégrés dans la convention SNCF, l’exécution du service peut être confiée à un opérateur routier dans les conditions prévues par la convention, dans le respect des règles de mise en concurrence européenne. La SNCF se retrouve ainsi mandatée pour organiser des appels d’offres intéressant des transporteurs autocaristes, et organiser leur partie de service. Selon la FNTV, la SNCF contractualise à hauteur, approximativement, de 50% avec des PME, 27,5% avec Keolis, 20% avec le groupe Transdev et 2,5% avec RATP DEV.
    7. Au contraire, si ces services ne sont pas intégrés dans la convention SNCF, ils sont réalisés dans les conditions du code des transports applicables aux services non urbains réguliers d’intérêt régional précitées, c’est-à-dire soit par des entreprises privées retenues après mise en concurrence, dans le cadre de procédures de marché public ou de délégation de service public, soit par des entreprises de nature publique (régies ou SPL).
    1. En termes de services, la composante routière peut se substituer au service ferroviaire à des degrés très divers. A minima, le car peut être employé pour se substituer occasionnellement à des services ferroviaires inopinément restreints (grèves, travaux...). A l’inverse, des liaisons régionales entières peuvent être opérées par autocar, en particulier sur des liaisons non desservies par le rail. Couramment, le service routier complète ponctuellement le service ferroviaire, par exemple sur des créneaux horaires de fréquentation plus basse. Ainsi, selon la FNTV, 32 millions de kilomètres seraient ainsi effectués chaque année en France par le « TER routier », ce qui représente 20% de l’offre TER.
    2. De même en termes d’organisation, la situation est très variable suivant les régions, comme l’a montré la Cour des comptes (Le transfert aux régions du transport express régional (TER): un bilan mitigé et des évolutions à poursuivre, novembre 2009). Certaines conventions ne traitent pas du tout du transport routier. D’autres indiquent que la passation des contrats pour l’exécution des services routiers de substitution relève de la SNCF, selon les règles qui lui sont propres. D’autres encore indiquent que ces contrats doivent être passés par la SNCF, mais suivant les règles des marchés publics et en associant la Région. Enfin, quelques régions assurent seules l’organisation des services routiers de substitution.
    3. Dans les cas d’organisations intégrant le service routier à la convention, ce service est généralement très articulé ou contraint par le volet ferroviaire et son exploitant.
    4. La pratique consistant dans une large mesure à considérer comme ferroviaires des services routiers, si elle repose sur un texte du code et peut recevoir de bonnes justifications techniques, repose sur une certaine « fiction juridique », possiblement contestable au regard des règles européennes notamment.
    5. Par ailleurs et surtout, l’investissement public régional dans les services ferroviaires trouve des limites actuellement, financières notamment, que le développement des services de transports par autocar peut contribuer à pallier (voir notamment les positions réitérées de la Cour des comptes). Vu son avantage en termes de coûts, il pourrait être une alternative plus largement utilisée par les régions en substitution du TER. il y aurait alors un avantage économique direct en termes de coût moindre mais aussi indirect du fait d'une concurrence accrue, le nombre d'opérateurs d'autocars susceptibles de se présenter à un appel d'offres étant plus nombreux qu’en ferroviaire.
    6. Pour ces raisons, il apparaît souhaitable que les régions examinent l’opportunité d’étendre le champ de leur compétence d’organisation de services routiers, en mettant en concurrence dans certaines hypothèses appropriées des lignes de transport routier plutôt que de recourir au ferroviaire.
    1. L’exclusion des transports routiers de substitution de la convention entre l’autorité organisatrice régionale et la SNCF vous semble-t-elle devoir être souhaitable, voire systématique ?
    2. Permettrait-elle d’accroître la concurrence lors des appels d’offres et, partant, de générer des gains pour la collectivité ?
    13.Dans le cas où les autorités organisatrices régionales choisiraient de substituer davantage de services ferroviaires par des services de transport par autocar, peut-on s’attendre à ce que la concurrence lors des appels d’offres organisés par les régions soit plus intense ?
    14. Ces solutions sont-elles de nature à améliorer le service tout en réduisant le coût pour les régions ? 

    C. LE COVOITURAGE, QUELLE CONCURRENCE FAITE A L’AUTOCAR ET AUX TRANSPORTS COLLECTIFS ?
    1. Le covoiturage est une pratique en développement en France. Pour certains transporteurs, il tend à concurrencer l’autocar, voire le ferroviaire. Il ressort néanmoins, à ce stade de l’instruction, que cette pratique reste accessoire au transport collectif, auquel elle n’apparaît que peu substituable, et donc complémentaire. 

      1. ELEMENTS DE DEFINITION
    2. Le covoiturage peut être défini comme le fait d’utiliser de manière conjointe et préalablement organisée (à la différence de l'auto-stop) un véhicule individuel, par un conducteur non professionnel et un ou plusieurs tiers passagers, dans le but d’effectuer un trajet en commun.
    3. L’intérêt pour les voyageurs consiste à réduire les dépenses de transport, en en partageant certaines (carburant et péages notamment) mais également d’agrémenter les voyages (développer le lien social). Plus globalement, il peut avoir un intérêt collectif : augmenter le taux de remplissage des véhicules et ainsi diminuer les embouteillages ou la pollution.
    4. Il y a lieu de distinguer deux types de covoiturage : le « domicile-travail » (ou pendulaire) et le covoiturage « longue-distance ». Le premier apparaît notamment soutenu par les collectivités territoriales, certaines s’efforcent de le développer, par la création notamment d’aires de covoiturage. Il nous intéressera moins que le second. 

      2. ETAT DU MARCHE
    5. La presse généraliste ou spécialisée fait ainsi état d’une croissance importante de ce transport et de ses acteurs. Les services « blablacar »67 et « carpooling »68 font figure de leader. Par ailleurs, le groupe SNCF a racheté en septembre 2013 le service « 123envoiture.com », ce qui a été largement présenté comme une conséquence de la concurrence accrue qu’exercerait le covoiturage sur le transport ferroviaire, mais aussi par autocar69.
    6. Ce mode de transport connaît actuellement, assurément, un dynamisme certain, du fait notamment de l’usage croissant des technologies de l’information et des terminaux mobiles. Il serait ainsi proposé par près de 300 sites internet et plus de 3 millions de personnes y auraient recours. 

      67 Services exploité par la société française COMUTO.
      68 Service exploité par la société allemande MITFAHRGELEGENHEIT.
      69 Voir l’article de Challenges du 10 septembre 2013 : « Pourquoi la SNCF s’intéresse-t-elle tant au covoiturage ? » 

    3. SUBSTITUABILITE, CONCURRENCE, COMPLEMENTARITE
    1. En termes de distance pertinente et de temps de parcours, le covoiturage longue distance et l’autocar apparaissent particulièrement comparables. Tous deux recourent au réseau routier, avec ses avantages de desserte et également ses inconvénients, en termes de congestion notamment.
    2. Les acteurs entendus lors de l’instruction sont nombreux à faire état d’une concurrence exercée par le covoiturage sur les transports collectifs terrestres (fer et autocar). iDBUS axe notamment une partie de sa communication sur le fait que son service vise à concurrencer la voiture individuelle et le covoiturage. Pour certains opérateurs, les tarifs des services de covoiturage constituent des prix de référence pour positionner leurs tarifs de transport par autocar. Les tarifs du train (TET) et de l’avion (low cost) n’interviennent qu’accessoirement dans la détermination du prix des billets de transport par autocar, ce qui tend à montrer que ces différents modes (transport ferroviaire TET, transport aérien « low cost » et transport par autocar) ne sont que très faiblement substituables entre eux.
    3. Une autre caractéristique potentiellement avantageuse du covoiturage longue distance est qu’il permet dans une certaine mesure des dessertes plus fines. Les plateformes utilisées autorisent ainsi notamment une discussion et un accord entre les voyageurs, sur les adresses précises de prise en charge et de destination. En termes d’origine-destinations, le covoiturage adresse donc potentiellement toutes les adresses d’un territoire, quand les modes collectifs sont eux davantage contraints, de gare à gare.
    4. Toutefois, le covoiturage semble peu concurrencer les transports en commun dans la mesure où, selon une étude de l’ADEME : « les 3⁄4 des voyageurs « co-voiturent » en remplacement de l’utilisation de leur voiture personnelle et seul 1⁄4 co-voiture au lieu d’utiliser les transports en commun »70. Toujours selon cette étude, le covoiturage apparaît comme la « solution pertinente de mobilité en zones peu denses, mal connectées aux transports en commun à des coûts raisonnables, ou à des périodes où les transports collectifs ne sont pas disponibles »71. De ce fait, cette alternative de transport serait plutôt complémentaire au transport régulier par autocar (et par train) que concurrente.
    5. De plus, cette pratique de mobilité ne paraît pas permettre à tous les types de voyageurs de se déplacer. Les familles en particulier ne font pas partie de la demande adressable par les services de covoiturage.
    6. De même, pour les consommateurs désirant prévoir suffisamment longtemps à l’avance leur voyage, les services de covoiturage seraient moins pertinents car les dates et horaires de départ sont décidés par les conducteurs et sont donc soumis à des aléas difficilement compatibles avec une demande de date et d’horaire de départ non flexibles. Le covoiturage n’a pas les caractéristiques essentielles du transport régulier, il n’apporte pas les mêmes garanties, la même prévisibilité pour les voyageurs, en termes de continuité de service, de fréquences, d’horaires, et de dessertes géographiques.
    7. Pour ces raisons notamment, il paraît davantage de nature à adresser une demande de voyage occasionnelle.
    8. D’autres caractéristiques du covoiturage limitent sa substituabilité à l’autocar. 

      70 Rapport de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) intitulé « Caractérisation de services et usages de covoiturage en France : quels impacts sur l'environnement, quelles perspectives d'amélioration ? », juin 2010.
      71 Idem. 

    • -  Il ne permet pas le transport de bagages dans une mesure similaire ;
    • -  il n’offre pas le même confort que l’autocar, qui permet de « rentabiliser » le temps de trajet. Il paraît davantage possible de lire, travailler, dormir en autocar alors que la solution de covoiturage permet difficilement de réaliser les deux premières activités et met plutôt en avant le concept de partage (pratiques collaboratives) et d’échanges entre voyageurs que celle de repos.
    1. Pour conclure, le développement du covoiturage reflète assurément certaines carences du transport collectif, en termes de dessertes ou de prix notamment. Il semble également possible que le covoiturage et l’autocar exercent l’un sur l’autre une pression sur leurs prix respectifs.
    2. Néanmoins, l’autocar et le covoiturage restent, globalement, imparfaitement substituables. Le covoiturage constitue dès lors avant tout une pratique de transport complémentaire, possiblement bénéfique, en particulier dans une perspective de transport occasionnel.
    3. Au demeurant, il ne s’agit pas d’un mode de transport collectif ; c’est davantage une pratique de voyage associée au véhicule individuel, dans une optique de partage de coût. Les enjeux y afférents s’éloignant de ceux de la présente étude, l’Autorité n’aurait ainsi pas davantage de remarques à faire concernant le covoiturage.
    1. Des éléments sont-ils susceptibles de remettre en cause ce constat d’une substituabilité imparfaite entre covoiturages et transports collectifs ?
    2. Le covoiturage exerce-t-il une certaine pression sur les prix des transports collectifs ?
    3. Existe-t-il une autre forme de pression concurrentielle du covoiturage sur le transport par autocar ? 


    SECTION 3. LES OBSTACLES AU FONCTIONNEMENT CONCURRENTIEL DU MARCHE DU TRANSPORT REGULIER PAR AUTOCAR
    254. La section 2 a présenté un ensemble d’effets possibles du développement de l’autocar interrégional ou longue distance, pour l’essentiel globalement positifs, tant pour le consommateur voyageur que pour des collectivités organisatrices de transports collectifs. Ces effets ne semblent pouvoir être obtenus qu’avec la levée ou la diminution d’un ensemble d’obstacles au libre jeu concurrentiel sur les marchés de l’autocar ou, plus largement, des transports terrestres. 

    I. Les limites du cadre réglementaire actuel
    255. Il ressort de l’instruction que la principale limite au développement du marché du transport régulier par autocar est son cadre réglementaire. Plus précisément, les obstacles identifiés tiennent aux modalités d’autorisation des services interrégionaux (A) et au manque d’homogénéité et de transparence dans la gestion des gares routières de voyageurs (B). 

    A. LES LIMITES TENANT AUX AUTORISATIONS DE SERVICES INTERREGIONAUX
    1. L’instruction a permis de distinguer des limites importantes dans la mise en œuvre du contrôle opéré dans le cadre de la procédure d’autorisation des dessertes intérieures en cabotage et des critiques du dispositif de la part des acteurs concernés.
    2. Ces limites et critiques tiennent (1) aux délais constatés dans le traitement des demandes d’autorisation, (2) aux contraintes liées au caractère accessoire du cabotage par rapport au service international, (3) au critère d’atteinte à l’équilibre économique de contrats de transports conventionnés et aux capacités des différentes AO consultées pour en apprécier, et (4) à l’interdiction des dessertes intrarégionales dans le cadre du cabotage.
    3. Certaines évolutions du cadre réglementaire s’annoncent. Elles sont une opportunité de développer l’offre de transport d’autocar longue distance, mais suscitent également des interrogations (5). 

      1. LES DELAIS DINSTRUCTION DES DEMANDES DAUTORISATION
    4. Comme cela a été vu précédemment, la mise en place d’offres de transport par autocar en cabotage requiert l’obtention d’autorisations internationales, dans un premier temps, et d’autorisations de dessertes intérieures (ADI) nationales, dans un second temps. La délivrance de l’autorisation internationale est en théorie encadrée par un délai de quatre mois à partir de la demande (art. 8 du règlement précité) ; la délivrance de l’ADI fait ensuite objet d’un délai de trois mois (y inclus le délai de deux mois requis des AO infra étatiques sollicitées pour émettre leur avis).
    5. Ces délais annoncés semblent en pratique fréquemment dépassés.Les transporteurs et leurs associations représentatives font état de nombreux cas de dépassements, la délivrance de l’autorisation de cabotage pouvant ainsi prendre au total, dans des cas extrêmes, jusqu’à 18 mois, au lieu des 7 mois théoriquement prévues par les textes.
      261. Ceci crée un aléa néfaste dans la prévision par les opérateurs des ressources (matériels, conducteurs) devant servir à l’exploitation commerciale du service une fois autorisé, des manque-à-gagner durant ces attentes ou de coûts d’adaptation aux ODH effectivement octroyées. Ces derniers jugent ainsi la procédure préjudiciable à l’investissement. Certains soulignent à cet égard que la longueur de la procédure administrative mise en œuvre obère l’un des principaux avantages prêtés à l’autocar en termes de transport : sa facilité et sa rapidité de déploiement.
      1. Les délais d’instruction des demandes d’autorisations sont-ils un frein à l’ouverture du marché ? Comment expliquer les écarts entre les délais réglementaires et les délais constatés ? Comment réduire ces délais ?
      2. Conviendrait-il, comme le recommandent certains acteurs du secteur, de revoir le processus d’instruction des demandes d’autorisation d’ouverture de lignes de transport par autocar ? Le cas échéant, quelles pistes d’amélioration pourraient être envisagées ?
      20.L’instruction des demandes d’autorisation d’ouverture de lignes de transport par autocar par un régulateur sectoriel indépendant vous semble-t-elle être une voie d’amélioration ? 

      2. LE CARACTERE ACCESSOIRE DE LOFFRE DE SERVICES EN CABOTAGE
      1. Deux types de contraintes apparaissent du fait de l’inscription, à titre accessoire, des dessertes en cabotage au sein d’un service international : il s’agit de la « double règle des 50 % » (a), mais également des conséquences induites notamment par la géographie française, qui limitent l’attractivité des services intérieurs, en termes de dessertes et d’horaires notamment (b). 

        a) Les contraintes de chiffre d’affaires et de nombre de voyageurs
      2. Comme déjà relevé aux paragraphes 22 et suivants, les services de cabotage font l’objet d’une double contrainte liée au caractère accessoire requis du cabotage : le chiffre d’affaires et le nombre de voyageurs transportés en cabotage doivent rester en-deçà d’une limite de 50 %, ce qui est vérifié sur la base d’un rapport annuel devant être transmis par les transporteurs au service autorisateur, dans un délai d’un an et trois mois de l’obtention des autorisations.
      3. Ce double critère est la façon dont il a été décidé d’appliquer le règlement européen n° 1073/2009 en ce qu’il prévoit que la prise en charge et la dépose dans le cadre du cabotage « ne constitue pas l’objet principal de ce service ». Il est considéré comme excessif par de nombreux acteurs. D’après eux, il occasionne, tout d’abord, une limitation du revenu tiré de l’activité « cabotage » et entraîne également, plus indirectement, des contraintes sur les outils de réservation (développements informatiques) afin de contrôler le nombre de voyageurs en cabotage. Il occasionne enfin une incompréhension des voyageurs, voire une perte d’image, lorsque des cars non remplis refusent néanmoins des voyageurs.
      4. Certains transporteurs souhaitent voir supprimée cette contrainte,du fait notamment de son caractère peu contrôlé ou contrôlable. En pratique effectivement, ce critère est vérifié sur une base uniquement déclarative et, à défaut d’informations centralisées, il est peu probable que les services du ministère soient en mesure d’en faire un contrôle ex post précis. Supprimer cette limitation permettrait en outre à une offre de se développer en fonction des stratégies des opérateurs et de la demande des clients de manière plus efficace, notamment en termes de fréquence des liaisons.
      1. D’autres estiment nécessaire à tout le moins de l’alléger, en la limitant au seul plafond de chiffre d’affaires annuel, notamment en considération de variations saisonnières sensibles en nombre de voyageurs transportés. 

        b) Les contraintes sur les itinéraires et les horaires du service aux voyageurs
      2. La contrainte réglementaire d’inscription des dessertes nationales au sein d’un service international semble limiter notablement les villes desservies, du fait de la géographie du territoire français.
      3. Ainsi, tout d’abord, des destinations ou des liaisons (notamment transversales) théoriquement intéressantes sont difficiles à rattacher géographiquement à un service international. L’obligation d’inscrire un service intérieur dans une ligne internationale est ainsi de nature à limiter l’offre de transport longue distance par autocar sur certaines parties du territoire, pour certaines communes et populations. Par ailleurs, sur certaines liaisons, les arrêts dans les villes françaises ne peuvent avoir lieu qu’à des horaires rendant leur usage difficile. A titre d’exemple, les dessertes de la ville de Bordeaux, inscrites dans des services vers la Suisse ou l’Allemagne, ont lieu dans une large mesure de nuit. Certaines ADI octroyées ne sont ainsi pas exploitées du fait de ces contraintes.
      4. Le problème des dessertes nocturnes peut se retrouver également conjugué avec celui lié à la rareté d’infrastructures routières pouvant accueillir de tels voyageurs dans des conditions minimales, d’accueil, de confort et de sécurité durant la nuit (voir développement sur les limites relatives aux gares routières, paragraphes 314 et suivants). L’attractivité des services routiers interrégionaux pour les voyageurs en ressort altérée.
      5. A ce stade, il apparaît dès lors que l’obligation pour un service interrégional de transport par autocar d’être proposé dans le cadre d’un cabotage accessoire à un service international réduit l’intérêt de l’activité pour les opérateurs et l’attractivité des liaisons offertes pour les clients, sans que le contrôle exact des conditions requises puisse être assuré. Compte tenu des bénéfices pouvant pourtant être attendu du développement de ce type de service, décrits aux paragraphes 163 et suivants, une ouverture plus large de ce mode de transport doit être envisagée. Les conditions dans lesquelles le champ de l’activité pourrait être élargi et son contrôle rendu plus efficace sont évoqués ci-après, respectivement aux paragraphes 288 et suivants.
      1. Le cadre réglementaire actuel du marché du transport par autocar, qui limite les possibilités d’ouverture de lignes intérieures aux seules lignes de cabotage, favorise-t- il les opérateurs de grande taille ?
      2. Le manque d’attractivité des horaires actuels de dessertes des liaisons transversales, qui résulte de l’obligation de cabotage, explique-t-il la faiblesse du trafic sur ces liaisons ?
      25.Dans quelle mesure le cadre réglementaire existant empêche-t-il d’adresser des liaisons intérieures pourtant attractives ?
      26. Supprimer l’obligation d’inscrire une liaison intérieure dans une liaison internationale permettrait-il de voir se développer une offre de transport collectif routier sur les liaisons attractives pour ce mode de transport ? 

      3.LE CRITERE DE LATTEINTE A LEQUILIBRE ECONOMIQUE DE CONTRATS DE TRANSPORTS CONVENTIONNES ET SES MODALITES DEXAMEN
      1. La procédure d’autorisation vise notamment à apprécier le risque d’une « atteinte à l'équilibre économique d'un contrat de service public de transport de personnes » par les offres d’autocars. Ce critère répond manifestement à des enjeux de politique publique, tendant notamment à éviter que des services de transports conventionnés, organisés pour des considérations d’intérêt général, ne soient moins rentables compte tenu de la concurrence d’offres privées plus compétitives.
      2. Il ressort de l’instruction que l’examen de l’atteinte à l’équilibre économique d’offres subventionnées, motif essentiel de l’octroi ou du refus d’autorisation, connaît d’importantes limites. Ces limites découlent essentiellement de la procédure mise en œuvre impliquant l’Etat, d’une part (a), et les régions et départements, d’autre part (b), et des capacités de ces différentes AO (c). Elles aboutissent à un examen partiel et dont la teneur reste floue pour les acteurs demandeurs (d). 

        a) Les avis de l’Etat en tant qu’autorité organisatrice des TET
      3. Comme déjà relevé au paragraphe 33,  le service (le bureau de l’organisation des transports routiers de voyageurs « TR2 », au sein de la sous-direction des transports routiers de la DGITM) demande l’avis de l’Etat en tant qu’autorité organisatrice des « trains d’équilibre du territoire » exploités par la SNCF au titre d’une convention de trois ans conclue en décembre 2010 entre l’Etat et la SNCF. Le suivi de cette offre ferroviaire conventionnée est confié à un bureau adjacent au sein de la DGITM, la « mission autorité organisatrice des trains d’équilibre du territoire » (MAOT), au sein de la sous-direction des transports ferroviaires et collectifs et des déplacements urbains (FCD).
      4. En l’état des informations obtenues jusqu’ici dans le cadre de l’instruction, ces avis étaient absents concernant les demandes d’autorisations formulées durant l’année 2011, année de mise en place de la possibilité d’opérer des liaisons en cabotage.
      5. Pour les années 2012 et 2013, il ressort des avis rendus par la MAOT et étudiés lors de l’instruction que la portée de l’examen effectué est limitée. Le retour de l’AO « Etat » consiste ainsi essentiellement en l’envoi d’un tableau répertoriant chaque ODH demandée, rapportant l’existence ou non d’une liaison TET en parallèle, et concluant sur ces bases au caractère « favorable » ou « défavorable » du service à la demande d’ODH concernée, avis assorti d’un commentaire valant motif, avec quatre choix possibles : « départs suffisamment espacés » ou « pas de ligne TET » pouvant justifier l’avis « favorable » ; « concurrence directe avec une ligne TET », ou « concurrence avec une liaison de nuit » pouvant justifier l’avis « défavorable ».
      1. C’est donc la proximité des ODH entre les services routiers et TET qui fonde l’avis de l’AO, selon une approche mécanique. Les questions de substituabilité (prix pratiqués, durée des trajets, clientèles, etc.) ne paraissent pas influencer l’avis. Les points de départ et d’arrivée précis des deux services n’entrent pas non plus en ligne de compte (or dans les grandes agglomérations les gares ferroviaires et les haltes et gares routières peuvent être distinctes voire éloignée, le service aux voyageurs peut être de ce fait très différent).
      2. De même, ces avis ne contiennent pas de projections d’impact sur l’offre TET conventionnée (en termes de trafics ou de recettes perdus notamment), des précisions qui sont pourtant demandées aux AO infra-étatiques, concernant leurs offres TER notamment.
      3. Enfin, on remarquera que le fait que l’Etat soit à la fois organisateur de services conventionnés (qui plus est au sein de la même direction du ministère en charge des transports), d’une part, et en charge de l’autorisation de services potentiellement « concurrents », d’autre part, suscite des questions en termes d’indépendance, d’objectivité et de garantie de traitement équitable. Les acteurs du secteur ont déploré cet état de fait. 

        b) Les avis des conseils régionaux et départementaux
      4. La qualité des réponses des AO aux demandes d’avis de la DGITM étudiées lors de l’instruction est des plus variables :
        • -  Certaines AO font des retours documentés sur les services existants et l’appréhension de l’impact des dessertes de cabotage demandées, en apportant, comme demandé, des projections sur les conséquences possibles sur les services conventionnés, en termes d’impact sur les trafics et les recettes associées. Elles émettent ainsi des avis circonstanciés, sur les aspects économiques notamment.
        • -  Au contraire, d’autres – elles sont les plus nombreuses – émettent des avis minimaux, sans analyse économique, exprimant une position d’hostilité de principe. Pour elles, le constat d’ODH proches entre les services routiers et ferroviaires suffit souvent à motiver leur position défavorable, voire la simple existence d’une offre ferroviaire préexistante sur l’OD concernée.
      5. Par ailleurs, les orientations des réponses diffèrent substantiellement : certaines AO ont pu faire état d’investissements dans des infrastructures pour motiver des avis défavorables à l’ouverture de services routiers. D’autres ont fait état de l’existence de services TGV, pourtant particulièrement différents, pour justifier de tels avis.
      6. Enfin, certaines AO régionales se contentent de renvoyer à des précédents avis sur des demandes similaires, voire ne répondent pas aux demandes d’avis. Les conseils généraux, lorsqu’ils répondent, font généralement part d’avis neutres ou favorables aux services routiers proposés.
      7. Ici encore, aucun des avis obtenus ne soulève de questions quant à la substituabilité des services sous l’angle des clientèles, des différences tarifaires entre les services, de la disposition à payer pour l’un ou l’autre ou encore du caractère régulier ou occasionnel du recours à ces services.
      1. L’analyse de la concurrence entre le train et le car effectuée par le service instructeur est-elle suffisante ou doit-elle être renforcée, par exemple en tenant compte plus largement des horaires des dessertes comparées, des temps de parcours et des tarifs respectifs de chaque mode ? A l’inverse n’est-elle pas inutile pour certains types de liaisons ?
      2. Les modalités de consultation pour avis des AO sont-elles satisfaisantes ou doivent- elles être revues ? 

      c) Moyens et informations des AO pour apprécier l’atteinte aux offres qu’elles organisent
      1. Le code des transports prévoit que l’Etat et les collectivités publiques « ont accès aux informations relatives au trafic ferroviaire et aux données économiques nécessaires à la conduite d'études et de recherches de nature à faciliter la réalisation des objectifs assignés au système de transports » (article L. 1211-5). La loi a également renforcé, en 2013, les obligations de la SNCF de fournir aux AO concernées des éléments de coûts, de recettes et de trafic liés aux offres qu’elles conventionnent, notamment par la fourniture d’un rapport annuel (article L. 2141-11).
      2. Il ressort toutefois de l’instruction, au travers des contributions reçues, des auditions menées et des avis émis par les AO dans le cadre de la procédure d’autorisation, que ces dernières connaissent d’importantes carences de données de transport, leur créant d’importantes difficultés pour apprécier l’atteinte possible à leurs offres conventionnées.
      3. Ainsi par exemple, une AO régionale déplore le fait que la convention la liant à la SNCF pour l’offre TER ne lui permet pas de connaître le niveau de recette des liaisons. D’autres AO font même état de discussions ponctuelles ou informelles avec la SNCF visant à obtenir des données permettant d’apprécier l’impact, les reports de trafics et les possibles pertes de recettes face à des services routiers, ce qui n’est pas sans poser de questions.
      4. Plus largement, l’information en matière de transports paraît connaître des carences, en termes de circulation, d’exhaustivité, d’objectivité et de collecte unifiée. A cet égard, on observera que, dans plusieurs secteurs, l’autorité de régulation sectorielle dispose de services spécialisés, tels les « observatoires », susceptibles d’apporter des garanties accrues sur ces questions. Une telle autorité de régulation sectorielle en charge de ces marchés aurait ainsi un intérêt évident en termes d’accès par les décideurs politiques aux informations liées à l’exploitation des services de transport. 

        d) La prise en compte des avis des AO par le service instructeur
      5. Les dossiers de demandes d’ADI obtenus lors de l’instruction montrent que le service instructeur élabore ses propositions de refus ou d’autorisations sur la base de l’ensemble des avis obtenus des AO (Etat, régions et départements). Au-delà des conditions réglementaires connues (par exemples celles relatives au caractère accessoire ou interrégional de la liaison cabotage), les critères d’autorisation pris en compte sont les suivants :
      - l’absence d'un avis négatif de l'autorité organisatrice des TET ou des régions en tant qu'autorités organisatrices des TER ;
      • -  l’absence de concurrence directe à un train TER ou TET (coexistence de services ferroviaire et routier ayant la même origine-destination et des horaires de circulation proches) :
      • -  l’absence d'un refus antérieur d'une AOT dans un créneau horaire de plus ou moins 1h et
      • -  ne pas être proche géographiquement d'une ODH refusée antérieurement en référence à un avis négatif émis par une région.
      1. C’est avant tout sur la base de ces critères que le service propose au ministre l’octroi et le refus des autorisations demandées. L’approche retenue donne ainsi un poids décisif aux avis des AO, pris en compte mécaniquement, au-delà de leur nature consultative.
      2. La proximité des horaires des différents services apparaît également sujette à d’importantes approximations. Dans le meilleur des cas, la proximité en question est relativement précise et porte sur des ODH (dans les avis de la MAOT, qui concernent le TET uniquement). Cependant, elle apparaît réduite, au stade final de la procédure, à une question de coexistence de liaisons routières et ferroviaire (cf. documents « analyse concurrence route- fer » du service autorisateur, couvrant TER et TET notamment). Ainsi, l’examen de l’atteinte à l’équilibre économique semble déporté systématiquement sur les AO.
      3. Surtout, par manque d’information ou d’analyse, le contrôle ne semble pas porter sur l’identification d’un risque réelle d’atteinte à l’équilibre économique d’un contrat de service public. Ce faisant, la pratique administrative s’éloigne notablement du texte de la loi, qui prévoit pour rappel que « L'Etat peut limiter ou, le cas échéant, interdire ces dessertes intérieures (...) si leur existence compromet l'équilibre économique d'un contrat de service public de transport de personnes. Il peut être saisi à cette fin par une collectivité intéressée». Dans ce contexte, la réponse faite aux demandeurs d’ADI consiste essentiellement en l’envoi de l’autorisation elle-même, sans précision sur les ODH refusées ni sur les motifs justifiant ces refus. Comme relevé précédemment, le cadre réglementaire, notamment européen, prévoit pourtant que les refus d’autorisation sont motivés.
      4. De ce fait, les transporteurs entendus lors de l’instruction ont indiqué ne pas être en mesure d’apprécier la teneur de l’atteinte à l’équilibre économique d’offres conventionnées pouvant être opposée à leurs demandes. Un tel défaut de transparence est un frein important au développement efficace du marché du transport par autocar. Les acteurs de ce marché ne sont, d’une part, pas en mesure d’anticiper quelles lignes ils pourraient chercher à développer et, d’autre part, pas mis en situation d’analyser les raisons d’un refus et d’en tirer un plan de développement adapté.
      5. Les transporteurs ont à cet égard souligné que la transparence sur le contenu du critère et les modalités de son examen pourrait être améliorée en s’inspirant du travail mis en œuvre par l’ARAF concernant sa procédure d’autorisation des dessertes de cabotage ferroviaire. La procédure d’autorisation applicable à ces services (article L. 2133-1 du code des transports) est également basée sur un double examen, similaire à celui requis pour l’autorisation de dessertes routières, du caractère accessoire du service et de l’absence d’atteinte d’offres faisant l’objet d’un contrat de service public. Dans ce contexte, l’ARAF a mené des travaux multilatéraux qui ont renforcé la prévisibilité et la légitimité de l’examen opéré (décision n° 2013-004 du 27 février 2013 portant sur les services de transport international de voyageurs comportant des dessertes intérieures). Elle a rendu le 8octobre 2013 une décision autorisant des liaisons, au terme d’un examen mené conformément aux principes qu’elle avait fixé.
       
      1. A ce stade, il apparaît dès lors que la procédure d’autorisation mise en œuvre apporte des limites considérables au développement des offres d’autocar. L’examen d’une possible atteinte à l’équilibre économique d’offres conventionnées paraît à cet égard largement déficient, et ne consiste actuellement pas en un analyse véritablement économique d’un risque d’atteinte à l’équilibre d’une liaison conventionnée, sous l’angle de la substituabilité des deux services notamment. Un tel examen n’est pas illégitime : il peut en effet répondre à des préoccupations de politique publique et apporter des garanties que des services publics ne seront pas brutalement menacés par l’offre privée. Ses modalités doivent néanmoins être revues afin, d’une part, que les critères techniques pris en compte pour accepter ou refuser de donner une autorisation soient plus transparents et, d’autre part, que les choix soient motivés et permettent réellement de démontrer le risque d’atteinte à l’équilibre d’une offre conventionnée. Le contenu de l’examen mené donc être clarifié et précisé. Par ailleurs, le service instructeur doit disposer des moyens, notamment informationnels, nécessaires pour mener à bien son analyse.
      2. A cet égard, et au regard des difficultés d’accès à l’information et de motivation des décisions identifiées aux paragraphes 283 à 292, doit être sérieusement envisagée l’hypothèse de confier ce contrôle à un régulateur sectoriel spécialisé présentant des garanties d’indépendance, des compétences techniques et qui serait doté de pouvoirs lui permettant d’accéder à toute l’information nécessaire à son contrôle et pour donner des autorisations.
      3. Une autorité administrative indépendante semble ainsi préférable au système actuel. Une telle autorité existe déjà pour les activités ferroviaires. Cependant, en l’espèce, l’examen prévu par les textes demande précisément une appréciation de la concurrence intermodale. Sont dès lors nécessaires des compétences ainsi que l’accès à des informations dépassant le transport ferroviaire et concernant également le transport par route. La mise en place d’une autorité administrative indépendante en charge d’une régulation sectorielle multimodale intégrée, comprenant au moins les transports routiers et ferroviaires, doit donc être envisagée.
      4. Par le passé et compte tenu de l’accroissement des problématiques liées à l’intermodalité et face au développement d’acteurs multimodaux toujours plus intégrés, l’Autorité a déjà appelé de ses vœux la création d’une autorité indépendante unique, qui serait compétente pour l’ensemble des modes de transport. Elle renvoie sur ces points à l’étude thématique « concurrence et transports de voyageurs » (rapport annuel pour 2011), ainsi qu’aux avis n° 10-A-04 du 22 février 2010 relatif à une demande d’avis de l’Association pour le maintien de la concurrence sur les réseaux et infrastructures (AMCRI) sur les problèmes de concurrence pouvant résulter de la privatisation des aéroports français, et n° 11-A-15 sur un projet de décret relatif aux gares de voyageurs et autres infrastructures de services du réseau ferroviaire.
      1. Le critère d’atteinte à l’équilibre économique d’un service conventionné, qui renvoie à des considérations de politique générale des transports, doit-il être maintenu ?
      2. La démonstration de l’atteinte à l’équilibre économique d’un service conventionné semble contrainte par les difficultés d’accès aux nombreuses informations nécessaires à son appréciation. Quels moyens pourraient être mis en œuvre pour améliorer l’accès à ces informations par les autorités en charge de les analyser ?
      3. Faut-il confier aux autorités régionales et départementales une compétence en matière de démonstration de l’atteinte à l’équilibre économique d’un service conventionné ?
      1. Le transfert de la charge de la démonstration de l’atteinte à l’équilibre économique d’un service conventionné à un régulateur multi-sectoriel, c’est-à-dire qui ait autorité pour réglementer plusieurs modes de transport et centraliser les données les concernant, vous semble-t-il être une voie d’amélioration du cadre réglementaire du marché du transport par autocar ?
      2. Dans quelle mesure la centralisation de données et la mise à disposition d’analyses des performances comparées de différents modes de transport et de différents réseaux permettraient-elles de soutenir les collectivités locales dans leur rôle d’autorités organisatrices ?
      3. Plus généralement, la création d’un tel régulateur multi-sectoriel permettrait-elle aux collectivités locales (régions, départements, communes) de mieux assurer leur rôle d’autorité organisatrice ?
      4. La centralisation des données relatives à différents modes de transport, par exemple par un régulateur multi-sectoriel, faciliterait-elle la prise de décision concernant les ADI ? 

      4. L’INTERDICTION DE FOURNIR DES DESSERTES AU SEIN DUNE MEME REGION
      1. Il ressort du cadre réglementaire, et plus précisément de la définition même des services de cabotage routier (cf. supra §23), que les transporteurs routiers ont interdiction de prendre et déposer des voyageurs entre deux villes d’une même région administrative. Certains acteurs déplorent cette interdiction de principe. Ils font notamment état d’une demande adressable entre villes importantes d’une même région, sur une même liaison internationale.
      2. Il y a lieu d’observer que cette interdiction est absente dans le cadre du cabotage ferroviaire. Ainsi par exemple, des dessertes viennent d’être autorisées à l’entreprise ferroviaire Thello entre des villes situées entre Marseille et Menton, toutes comprises dans la région Provence-Alpes-Côte-D’azur (avis de l’ARAF n° 2013-022 du 8 octobre 2013 relatif à l’impact du service de transport de voyageurs envisagé par l’entreprise ferroviaire Thello entre Milan, Gênes, Monaco, Nice et Marseille sur l’équilibre économique du contrat de service public de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur).
      3. En tout état de cause, l’objectif de cette interdiction n’est pas clair. Il apparaît en effet comme un «double-emploi» avec la condition de l’absence d’atteinte à l’équilibre économique à des offres conventionnées. En effet, si la condition de l’absence d’atteinte à l’équilibre économique d’une offre conventionnée suffit en elle-même, et sous réserve d’un examen précis et motivé au cas par cas, à protéger des offres régionales de transport conventionnées, alors une interdiction de principe des dessertes intrarégionales est superflue.
      4. Les conditions dans lesquelles une révision du cadre applicable au transport intrarégional, notamment sur les services employés en substitution d’offres TER, est susceptible d’apporter des gains pour la collectivité ont été en partie étudiés aux paragraphes 223 et suivants.
      36. A l’instar de ce qui est prévu en matière de transport ferroviaire, faut-il autoriser les dessertes routières de cabotage au sein d’une même région ?
      37. De manière plus générale, l’ouverture du marché du transport par autocar aux liaisons infrarégionales constitue-t-elle un moyen de générer des gains pour la collectivité, par exemple en termes de développement du transport collectif et d’économies pour les finances publiques ? 

      5. LES EVOLUTIONS REGLEMENTAIRES EN PROJET
      1. Il ressort de ce qui précède qu’un assouplissement des contraintes réglementaires actuelles est souhaitable et pourrait permettre un développement du marché de l’autocar en France, sans effets adverses (cf. section 2, §163 et suivants). Or, certaines évolutions du cadre réglementaire ont récemment été annoncées, qui iraient en ce sens.
      2. Ainsi, le projet de loi « de développement des solidarités territoriales et de la démocratie locale », tel qu’approuvé en conseil des ministres du 10 avril 201372, propose des évolutions notables du cadre existant tendant à « développer l’offre de transport routier », à la « dynamiser ». Ce projet de loi propose notamment :
        • -  d’ajouter au niveau d’organisation régional la possibilité pour des régions d'organiser, dans un cadre conventionné, des liaisons interrégionales couvrant deux régions limitrophes ;
        • -  de modifier les modalités d’implication de l’Etat dans les services nationaux (entre deux régions non limitrophes ou plus de deux régions, mais également à échelle moindre si les départements ou les régions n’exercent pas leur compétence de conventionnement) en permettant à des opérateurs de transport routier d'en exploiter sur simple autorisation.
      3. Ces évolutions vont donc dans le sens d’un développement de l’offre de transport interrégional par autocar. Elles auraient également pour intérêt de donner une base légale à certaines pratiques en vigueur concernant des lignes longue distance, actuellement mises en place hors du cadre prévu par le code des transports, et notamment les lignes d’intérêt régional dont les dessertes débordent le cadre de la région AO et les lignes d’intérêt national dont l’organisation a été déléguée par l’Etat (cf. supra, §7 et suivants).
      4. A ce stade, le projet de loi suscite néanmoins encore des interrogations. Il semble ainsi, tout d’abord, de nature à ajouter de la complexité au cadre réglementaire applicable à ces services. En l’état du projet de loi, les services d’autocar longue distance feraient l’objet de trois régimes juridiques distincts :
        • -  le régime actuel applicable aux dessertes intérieures en cabotage, qui resterait inchangé, avec toutes les limites précédemment décrites ;
        • -  le nouvel échelon conventionné « bi-régional », en plus de l’échelon préexistant confiant aux régions la possibilité d’organiser des services conventionnés régionaux et
        • -  l’échelon national « allégé » (simple autorisation au lieu d’un conventionnement).
      5. Néanmoins, le passage de l’organisation de services d’intérêt national à un régime de simple autorisation est susceptible de générer un assouplissement des conditions d’exercice du transport par autocar longue distance. Cette évolution, conforme aux recommandations 

        72 Pour le suivi de l’avancement de l’adoption de ce texte, cf. le dossier législatif sur le site du Sénat

      précédentes, doit être encouragée, mais elle doit prendre en compte les difficultés identifiées dans le régime actuel et les corriger.
      1. Ainsi, le projet de loi fait pour l’instant référence à une autorisation administrative préalable, mais sans indication des motifs pouvant justifier un refus. Or, un manque de visibilité serait de nature à susciter des aléas préjudiciables à l’investissement. L’exposé des motifs du projet de loi précité indique toutefois que l’atteinte à l’équilibre économique d’offres conventionnées sera, comme c’est le cas actuellement pour le cabotage, le principal critère d’autorisation par l’Etat. De même, il évoque la « consultation des collectivités territoriales concernées » dans la mise en place de ces nouveaux services.
      2. La disposition du projet de loi est ainsi susceptible de mettre en place un régime de transport par autocar longue distance dans des conditions moins strictes que celles actuellement en vigueur. Elle pourrait donc être l’occasion d’ouvrir très largement ce mode de transport et d’en clarifier le régime.
      3. Pour cela, le décret d’application prévu par le projet de loi pourrait certainement expliciter les conditions d’autorisation en ce sens, en prévoyant que les liaisons par autocar longue distance ne doivent plus nécessairement être l’accessoire d’un service international et en mettant en place un test précis d’absence d’atteinte à l’équilibre économique d’offres de service public.
      4. Comme rappelé ci-avant (§271 notamment), si un tel test est pertinent dans un souci de politique publique, il doit faire l’objet d’un contenu plus clair pour ne pas mettre en péril le développement du marché. A l’image de la démarche de l’ARAF en matière de cabotage ferroviaire, le contenu du test pourrait faire l’objet d’une consultation, suivie d’une décision en expliquant les conclusions. Par ailleurs, le décret devrait prévoir explicitement qu’un refus ne peut-être fondé que sur une analyse prévisionnelle documentée et crédible d’une atteinte par la liaison envisagée à la rentabilité d’une ligne subventionnée et, qu’à défaut de réponse motivée dans un délai préfix, l’autorisation sera réputée tacitement et immédiatement accordée.
      5. Par ailleurs, et comme indiqué aux paragraphes 294 à 296, l’exercice dans de bonnes conditions d’un contrôle de ce type nécessite des moyens en termes d’accès à l’information et d’analyse technique, notamment dans l’appréciation de la concurrence intermodale entre une ligne conventionnée et une ligne potentielle à l’étude, qui amène à préconiser la mise en place d’un régulateur intégré des transports, compétent à tout le moins en matière de transport ferroviaire et de transport routier. On remarquera à cet égard que l’ARCEP est compétente pour réguler plusieurs modes de communications.
      6. Enfin, l’extension du régime conventionné aux services desservant deux régions limitrophes pourrait remettre en cause des services privés déployés dans le cadre de l’open access73, via le cabotage notamment, même s’il n’est pas exclu que, dans certains cas particuliers, de telles offres conventionnées soient nécessaires, et s’il semble utile que le projet de loi permettent aux régions d’organiser des services dans de tels cas. En outre, comme indiqué précédemment (§297 et suivants), le développement d’une offre de transport par autocar en open access pourrait être pertinent également pour des liaisons infrarégionales, actuellement uniquement organisées dans le cadre de services conventionnés par les régions ou les départements.
      7. Le projet de loi pourrait dès lors être l’occasion de clarifier et uniformiser les relations entre offres conventionnées et offres libres en matière de transport par autocar, quelle que 

        73 Entendu comme régime hors conventionnement et/ou droits exclusifs, aux risques et périls du transporteur. 

      soit la distance, dans l’objectif de permettre l’intervention des collectivités lorsque l’intérêt général le commande tout en laissant à l’initiative privée la possibilité de proposer des liaisons, en l’absence d’intérêt général ou quand le conventionnement n’est pas la seule manière d’y pourvoir.
      313. Le projet de loi n’a pas encore été débattu devant le Parlement.
      1. En ce qui concerne la fourniture de services conventionnés « bi-régionaux », peut-on craindre que de tels conventionnements fassent doublon avec des services en open access, entraînant ainsi des risques d’atteinte à la rentabilité de ces services privés ou une mauvaise affectation de fonds publics ? Un certain encadrement est-il souhaitable, par exemple par le constat préalable d’une carence de l’initiative privée ?
      2. En ce qui concerne la fourniture de services d’intérêt national selon les modalités « allégées » tenant à l’obtention d’une autorisation administrative, est-il souhaitable que la loi précise les principaux critères d’octroi ou de refus des autorisations ?
      3. L’examen tendant à vérifier l’absence d’atteinte à l’équilibre économique de services publics de transports demeure-t-il pertinent (indépendamment des modalités d’examen qui peuvent être jugées perfectibles) ? Si oui, quelle doit être la place des différentes AO (régions notamment) ?
      4. De manière générale, la possibilité, pour les régions, d’organiser des services de transport par autocar interrégionaux conventionnés peut-elle limiter le développement des services de transport collectif routier sur les liaisons non conventionnées ?
      5. De manière générale, les évolutions du cadre juridique proposées par les pouvoirs publics sont-elles susceptibles d’améliorer ou d’accroître la complexité du cadre applicable aux services d’autocar longue distance ? Si non, que proposez-vous ? 

      B. LES LIMITES TENANT AUX GARES ROUTIERES DE VOYAGEURS
      1. Le cadre applicable aux gares routières a été précédemment décrit (cf. supra, §39 et suivants). Ce cadre, ancien, et sa pratique, constituent un obstacle majeur au développement des services d’autocar, notamment longue distance.
      2. Déjà en 1992, une étude du CETUR (devenu le CERTU) intitulée « Gares routières, guide et recommandations » a pointé les faiblesses du cadre et notamment de la définition originelle : « On peut reprocher à cette définition d’être trop vague sur le plan juridique et de recouvrir des installations très différentes. Sur le plan des réalisations, les techniciens des transports répartissent ces installations en gares routières ; haltes routières ; haltes abris ; autres aménagements. On opère aussi une classification catégorielle suivant leur destination : équipements lourds permettant d’assurer une bonne coordination des moyens de transports et l’interface des réseaux; simple structure d’accueil améliorant les conditions d’utilisation et d’exploitation d’un type de réseau ; construction légère dont l’unique rôle est de rendre l’attente plus confortable à l’usager. On constate qu’une même législation s’applique à des installations dont la taille et la vocation sont bien différentes ».
      3. Aujourd’hui, les limites réglementaires et les carences associées sont essentiellement les suivantes.
      1. En premier lieu, un manque notable d’infrastructures peut être regretté. Selon une enquête réalisée par la FNTV en 2012 portant sur 91% des préfectures de département, seules « 50% des préfectures françaises disposent d’une gare routière ». D’après l’un des acteurs, « beaucoup de villes françaises, même de grande taille, n’ont pas de gare routière digne de ce nom ».
      2. En second lieu, les infrastructures paraissent spécialement peu adaptées aux transports «longue distance», qui nécessitent des équipements et services développés (espaces d’attente, toilettes, équipements adaptés aux dimensions particulières des cars internationaux, leur plus grande hauteur notamment). Le besoin est spécifiquement accru compte tenu des dessertes nocturnes occasionnées dans le cadre du cabotage. De plus, l’étude précitée de la FNTV sur les pôles d’échanges souligne que la présence humaine et commerciale sur les gares routières est discontinue, ce dont peut plus particulièrement pâtir le transport « longue distance », toujours du fait des horaires nocturnes.
      3. En troisième lieu, les modalités d’accès aux gares routières sont extrêmement variables, peu transparentes, peu prévisibles, tout particulièrement quant au prix de l’accès. Le « toucher de gare »74 peut ainsi varier du simple au triple, cela sans que les acteurs se voient exposer de justifications. Du fait du cadre réglementaire applicable (cf. supra, §44 et suivants) l’accès aux gares routières peut dépendre d’une grande variété d’entités (collectivités territoriales de différentes natures et niveaux, émanations diverses), et les transporteurs connaissent des difficultés manifestes ne serait-ce que pour identifier l’interlocuteur pertinent pour en obtenir l’accès.
      4. En quatrième lieu, l’adossement des gares routières aux gares ferroviaires SNCF peut susciter des interrogations concernant l’accès des concurrents. iDBUS, filiale de la SNCF, a indiqué qu’il n’y avait pas d’intérêt à ce que les gares routières soient à proximité des gares ferroviaires. Compte tenu de l’état actuel du développement du marché de l’autocar longue distance, et pour ce qui concerne les plus grandes agglomérations, il peut apparaître en effet que la desserte de gares ferroviaires historiques par les autocars est susceptible de rallonger les temps de parcours, multiplier les aléas et complications d’exploitation. Néanmoins, en particulier si le marché de l’autocar interrégional est appelé à se développer, les gares ferroviaires, des villes moyennes et petites notamment, paraissent constituer des structures adaptées.
      5. L’Autorité a déjà souligné que les gares ferroviaires de voyageurs constituent des pôles d’échange essentiels (avis n° 09-A-55 du 4 novembre 2009 sur le secteur du transport public terrestre de voyageurs, §136 et suivants), du fait notamment des interconnexions qu’elles offrent avec les réseaux urbains et leurs différents modes. La question de l’accès à ces infrastructures paraît donc cruciale. L’instruction n’a pas permis de faire l’état des lieux des gares routières gérées ou adossées aux installations de la SNCF, cette dernière indiquant ne pas être en mesure de dénombrer les installations de son ressort, en raison des insuffisances juridiques tenant à la définition ou au classement des différents types d’installations (gares routières proprement dites, parkings ou simples arrêts). Ceci illustre encore les limites du cadre actuel et justifie encore davantage une réforme, qui pourrait venir préciser les obligations de la SNCF en la matière.
      6. En dernier lieu, une clarification des compétences des autorités organisatrices sur les gares routières apparaît souhaitable, notamment pour les acteurs. Le projet de loi de développement des solidarités territoriales et de la démocratie territoriale prévoit une 

        74 Entendu au sens large comme toute somme pouvant être facturée au transporteur dans le cadre de l’accès aux gares routières et autres structures. 

      disposition (article 3) tendant à unifier les compétences des collectivités territoriales et de leur groupement en matière de construction, d’aménagement et d’exploitation de ces gares. Les régions, bénéficiaires des transferts de compétences organisés par le texte, seraient dès lors l’interlocuteur constant, ce qui est positif du point de vue de la transparence et de l’unicité de gestion. Toutefois, ces transferts ne portent que sur les gares routières publiques de voyageurs n'appartenant pas à des collectivités territoriales ou groupements de collectivités territoriales. Les gares d’Ile-de-France, les gares dites privées et celles appartenant à la SNCF ne seraient pas concernées. La portée de la modification du cadre applicable aux gares routières paraît ainsi limitée.
      323. Surtout, et plus largement, il ressort de l’instruction que le cadre réglementaire des gares routières de voyageurs paraît devoir faire l’objet d’une large refonte. Les modalités d’accès des transporteurs gagneraient à être revues et précisées de manière à apporter davantage de visibilité et de garanties quant à l’accès, à son caractère équitable et non discriminatoire notamment. Des principes directeurs quant aux tarifs d’accès ou de partage des coûts gagneraient également à être énoncés et appliqués. Sur cette question encore, la mise en place d’une autorité indépendante sectorielle intégrée, ayant des compétences en matière de gares routières comme de gares ferroviaires, apparaît pertinente.
      43. La diversité des autorités compétentes en matière de gestion des gares routières est- elle une limite au développement du marché du transport par autocar ?
      44.Certains acteurs du secteur font état de leur difficulté à identifier les autorités compétentes en matière de gestion des gares routières. Dans ce contexte, confier à un régulateur des transports multi-sectoriel la centralisation des informations relatives aux gares routières (en pratique, répertorier les gares et leur gestionnaire) est-elle une réponse adaptée ?
      45. Le contrôle ex post, par un régulateur, du caractère transparent, objectif et non discriminatoire des conditions d’accès aux gares routières constitue-t-il une piste d’amélioration du fonctionnement du marché du transport par autocar ? 

      II. Les stratégies potentielles des acteurs
      1. La saisine d’office pour avis n °13-SOA-02 de l’Autorité de la concurrence avait identifié un certain nombre d’avantages concurrentiels que pourrait procurer, à des opérateurs de transport longue distance par autocar, le fait d’opérer sur des marchés connexes (§19).
      2. L’instruction du présent avis conduit à s’interroger sur le caractère avéré des risques identifiés ci-dessous, liés à ces avantages concurrentiels. Seront d’abord présentés les avantages liés à la maîtrise d’une offre intermodale (A), puis ceux liés à la maîtrise d’infrastructures ou d’informations stratégiques (B). Seront également discutés les avantages détenus par les opérateurs existants (C) et les risques d’entente susceptibles de caractériser un marché fonctionnant par groupements d’opérateurs (D). 

      A. LES AVANTAGES LIES A LA MAITRISE D’UNE OFFRE INTERMODALE
      1. En France, les opérateurs de transport par autocar déjà présents sur le marché appartiennent tous à des groupes multimodaux, c’est-à-dire opérant sur plusieurs marchés de transport où ils se trouvent parfois en position de leader voire de monopole. Ainsi, Transdev est présent en France sur le marché du transport longue distance par autocar, à travers Eurolines, mais aussi sur le marché du transport public urbain. Les Courriers Rhodaniens, actifs sur le marché du transport routier international à travers leur service Starshipper, sont également présents sur le marché du transport routier intra-régional, qu’il s’agisse du transport scolaire, au niveau départemental, ou du transport intra-régional en substitution du TER. Enfin, la SNCF est présente sur les marchés du transport longue distance par autocar, à travers iDBUS, du transport public urbain et interurbain, via Keolis, et du transport ferroviaire.
      2. Cette caractéristique des opérateurs de transport longue distance par autocar n’est pas propre au marché français. En effet, en Grande-Bretagne, les leaders du marché du transport par autocar longue distance (National Express et Stagecoach, à travers sa filiale Megabus, également présente en France) sont aussi des opérateurs multimodaux, présents sur les marchés du transport ferroviaire et du transport urbain. En Allemagne, où le marché a été libéralisé très récemment (en 2012), l’opérateur ferroviaire historique, la Deutsche Bahn, dispose déjà, via ses filiales Berlin Linien Bus, Bayern Express et Autokraft, d’une forte part de marché, estimée à 40%75.
      3. La maîtrise d’une offre intermodale présente indéniablement desavantages du point de vue des usagers. Elle peut, par exemple, permettre une meilleure coordination des horaires des modes de transport complémentaires, une amélioration de l’offre de services de rabattement, ou encore une harmonisation de la billettique, avec, potentiellement, des avantages tarifaires prenant la forme de billets combinés ou de cartes de fidélité.
      4. En outre, la production conjointe de services de transport par des modes divers peut permettre de réaliser des économies de gamme susceptibles d’être répercutées sur les prix proposés aux usagers. Ces économies de gamme pourraient provenir de la mutualisation des coûts fixes communs aux différentes activités, comme par exemple les coûts des dépôts ou les coûts de structure. Elles pourraient aussi résulter d’une réduction des coûts unitaires 

        75 H. Ströβenreuther (2012) précité et K. Augustin et al. (2013) précités. 

        des facteurs variables, quand ceux-ci peuvent être partagés. On pourrait par exemple envisager qu’un opérateur multimodal bénéficie de réductions sur le coût d’acquisition de ces équipements.76
        1. Ceci étant, la maîtrise d’une offre intermodale peut conférer à ses détenteurs des avantages susceptibles de distordre la concurrence. Un opérateur multimodal pourrait notamment proposer aux autorités organisatrices de transport une offre combinant différents modes de transport qui présenterait un avantage concurrentiel significatif auquel les autres opérateurs de transport ne peuvent prétendre, notamment lorsque l’opérateur proposant l’offre intermodale est dominant sur l’un des marchés de transports. L’Autorité de la concurrence a déjà eu l’occasion de se prononcer sur les risques d’atteinte potentielle à la concurrence par effets non-horizontaux entre les marchés du transport ferroviaire et du transport urbain et interurbain.
        2. Ainsi, dans la décision de l’Autorité relative à la prise de contrôle de Keolis par la SNCF77, elle a souligné que l’opération de fusion entre l’exploitant ferroviaire et un des principaux opérateurs du marché du transport urbain en France était susceptible de conférer à Keolis un avantage concurrentiel majeur par rapport à ses concurrents dans la mesure où son lien structurel avec la SNCF lui permettrait de disposer d’un accès facilité aux informations horaires sur les trains de la SNCF et donc d’établir plus facilement des correspondances entre les réseaux de transport urbain ou interurbains qu’elle exploite et les trains de la SNCF. Aussi l’Autorité de la concurrence n’a-t-elle autorisé cette opération que sous réserve d’engagements. En particulier, la SNCF s’est engagée à mettre à disposition de tout transporteur concurrent de Keolis en faisant la demande les horaires prévisionnels de ses transports ferroviaires pour l’année à venir.
        3. Seront successivement examinés les avantages que peut faire valoir auprès de ses clients un opérateur maîtrisant une offre de services de transport longue distance par autocar et une offre de services de transport urbain (1), puis les avantages tirés de la maîtrise d’une offre de transport par autocar et d’une offre ferroviaire lors des appels d’offres pour l’exploitation des lignes infrarégionales (2). 

          1. LES AVANTAGES TIRES DE LA MAITRISE DUNE OFFRE CAR LONGUE DISTANCE/BUS
        4. Le fait, pour un autocariste, d’être également opérateur de transport urbain peut lui permettre de proposer à ses clients des liaisons interrégionales une offre intermodale incluant par exemple des billets combinés car-bus, potentiellement avec des avantages tarifaires, une information complète sur les horaires et caractéristiques des réseaux urbains d’origine et/ou de destination, ou encore des facilités de correspondance, dans le cas où, par exemple, les points d’arrêt coïncideraient. Il ressort d’ailleurs de l’instruction que certains opérateurs tiennent compte de l’amplitude des horaires des transports publics urbains dans la conception de leurs horaires de transport par autocar. Les premiers horaires de départ et derniers horaires d’arrivée des services de transport par autocar qu’ils proposent sont ainsi cohérents avec les horaires des services de transport public urbain. 

          76 Pour une estimation des économies de gamme générées par la production conjointe de services de transport urbain et interurbain, voir par exemple M. Di Giacomo et E. Ottoz : « The Relevance of Scale and Scope Economies in the Provision of Urban and Intercity Bus Transport. », Journal of Transport Economics and Policy, 44(2), pp. 161-187, 2010.
          77 Décision 10-DCC-02 du 12 janvier 2010. 

        1. Du point de vue de l’usager, une telle offre intermodale peut représenter un gain de temps et d’argent. De manière générale, le développement de l’intermodalité est un enjeu d’actualité important pour les décideurs publics.
        2. Elle présente cependant des risques d’atteinte à la concurrence. En effet, sur une liaison longue distance où plusieurs opérateurs seraient en concurrence, il n’est pas exclu que l’opérateur proposant une offre intermodale, avec tous les avantages qu’elle peut comprendre, ait la préférence des voyageurs.
        3. Cet avantage semble toutefois limité par le fait que les réseaux de transport public urbain sont attribués par appel d’offres pour des durées déterminées et relativement brèves, de sorte que l’avantage tiré de la possibilité de proposer une offre intermodale peut être remis en cause en cas de non renouvellement du contrat de transport urbain. Un tel avantage paraît également limité par les difficultés techniques de mise en œuvre de l’intermodalité (même système de billettique, coordination des horaires), difficultés souvent avancées, d’ailleurs, pour expliquer que l’intermodalité soit encore très peu développée en France.
        4. Toutefois, certaines parties prenantes ont indiqué que l’avantage tiré de la coordination entre offre routière et offre ferroviaire existante, notamment sous l’angle de la tarification, était le principal risque d’entrave au fonctionnement concurrentiel du marché du transport par autocar. 

          2. LES AVANTAGES TIRES DE LA MAITRISE DUNE OFFRE CAR REGIONAL/TRAIN
        5. Enl’étatactuelet,afortiori,dansl’hypothèseoùunepartdesservicesferroviairesdeTER venaient à être remplacés par des services de transport par autocar, un des enjeux concurrentiels est de veiller à ce que l’opérateur ferroviaire sortant ne remporte pas automatiquement les marchés mis en concurrence pour le car.
        6. Le Conseil puis l’Autorité de la concurrence ont à plusieurs reprises souligné l’existence d’avantages au sortant dans le secteur des transports78.
        7. A tout le moins peut-on recommander que les lignes en substitution du ferroviaire fassent l’objet d’appel d’offres organisés par les autorités organisatrices concernées, i.e., les régions, et non par la SNCF, comme cela semble être souvent le cas. L’instruction du présent avis a, en effet, conduit à relever que la SNCF est parfois mandatée par la région, dans le cadre de sa convention TER, pour organiser les appels d’offres pour l’exploitation des lignes routières en substitution. Aussi les cars routiers de substitution sont-ils parfois qualifiés de « TER sur route » et la concurrence pour ce marché de « fiction juridique »

          78 Voir notamment la décision 09-D-10 du 27 février 2009 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du transport maritime entre la Corse et le continent et la décision 10-DCC-198 du 30 décembre 2010 relative à la création d’une entreprise commune par Veolia Environnement et la Caisse des Dépôts et Consignations. 

        46. Cette analyse est-elle partagée ? D’autres avantages liés à la double activité autocar/transport urbain existent-ils ?
        47. Cette analyse est-elle partagée ? D’autres avantages liés à la maîtrise d’offre de car régional et de train existent-ils ? 

        B. AVANTAGES LIES A LA MAITRISE D’INFRASTRUCTURES PHYSIQUES ET IMMATERIELLES STRATEGIQUES
        1. Dans les activités nécessitant l’accès à des infrastructures essentielles (marché amont), les risques de pratiques abusives sont d’autant plus forts que le détenteur de ces infrastructures opère également sur le marché de services (marché aval), et est susceptible d’y faire face à la concurrence de nouveaux acteurs. Une séparation insuffisante entre gestion des infrastructures essentielles et exploitation des services fait notamment courir le risque que des conditions d’accès discriminatoires soient appliquées par l’opérateur intégré à ses concurrents sur le marché aval, voire que l’accès leur soit refusé.
        2. Dans le secteur des transports, où les liens verticaux entre les activités amont et aval demeurent étroits, les risques que de telles pratiques anticoncurrentielles existent sont donc élevés, d’autant plus que les infrastructures essentielles sont multiples. La fourniture de services de transport collectif nécessite en effet d’avoir accès à des infrastructures essentielles physiques, comme les gares, les aéroports, les ports, les dépôts, etc. (1), mais aussi aux infrastructures essentielles « immatérielles » que sont les informations relatives aux horaires, aux places disponibles et aux tarifs des services de transport contenues dans les systèmes informatisés de réservation (SIR) (2). 

          1. LES AVANTAGES TIRES DE LA MAITRISE DES GARES
        3. S’agissant des gares ferroviaires, auxquelles sont souvent adossées les gares routières, l’Autorité de la concurrence a déjà relevé que celles-ci constituent le point de jonction des autres réseaux de transport et représentent de ce fait un enjeu sur les marchés connexes de transport79 où la SNCF est également présente80. L’Autorité a insisté à maintes reprises, notamment dans ces avis, sur le fait que l’accès privilégié voire la détention des infrastructures stratégiques que constituent les gares ferroviaires peuvent servir à bloquer l’entrée de concurrents sur des marchés connexes, comme cela est d’ailleurs développé dans la décision autorisant la prise de contrôle conjoint des sociétés Keolis et Effia par les sociétés SNCF-Participations et Caisse de Dépôt et Placement du Québec81.
        4. Dans cette décision, l’Autorité a ainsi souligné que l’opération de fusion entre l’exploitant ferroviaire, qui est également le gestionnaire des gares, et un des principaux opérateurs du marché du transport urbain en France était « de nature à entraîner une forclusion de l’accès des concurrents de Keolis aux marchés de transport public routier de voyageurs en limitant leur possibilité de proposer des services d’information et de billettique dans les gares ». Aussi l’Autorité de la concurrence n’a-t-elle autorisé cette opération que sous réserve d’engagements. En particulier, la SNCF s’est engagée à établir un catalogue des services en gare.
        5. A l’instar de ce qui a pu être observé en Grande-Bretagne à la gare de Victoria Station, l’intégration verticale de la gestion des gares et de l’exploitation d’un service de transport 

          79 Voir notamment l’avis 09-A-55 et l’étude thématique « concurrence et transport de voyageurs » du rapport annuel de l’Autorité de la concurrence de 2011.
          80 La SNCF est en effet un opérateur multimodal présent sur l’ensemble de la chaîne de transport, du train au vélo, en passant par les prestations liées au transport urbain (par bus, métro, tramway) ou la gestion de parcs de stationnement, à travers sa filiale Effia.
          81 Décision 10-DCC-02 du 12 janvier 2010. 

        routier peut avoir pour conséquence de dissuader l’entrée de concurrents de l’opérateur intégré. Ainsi a-t-on pu observer que le transfert de la propriété de la gare de Victoria Station à Londres de l’opérateur historique National Express à la municipalité, en 1988, s’est traduit par un changement de tarification de l’accès à la gare qui a permis l’arrivée d’un grand nombre d’opérateurs82.
        1. Plus récemment, l’Autorité de concurrence espagnole a sanctionné la compagnie gestionnaire de la gare routière du Sud de Madrid, également exploitante de services de transport par autocar empruntant cette gare, pour avoir proposé à un de ses concurrents nouvel entrant des conditions discriminatoires d’accès aux guichets de la gare83.
        2. Il ressort toutefois de certaines déclarations recueillies par l’instruction que l’avantage tiré de la gestion d’une gare ferroviaire par un opérateur de transport par autocar semble dépendre de l’emplacement de la gare en question.
        3. En effet, les gares routières adossées à des gares ferroviaires des grandes agglomérations sont situées en centre ville et donc difficilement accessibles aux heures de pointe. Le temps de parcours d’un autocar desservant ces gares est par conséquent rendu incertain, ce qui altère potentiellement la qualité du service de transport par autocar offert. Il y aurait donc peu d’avantages à tirer de l’exploitation des gares routières adossées aux gares ferroviaires situées dans les centres-villes des grandes agglomérations (Paris en particulier).
        4. En revanche, gérer les gares routières adossées à des gares ferroviaires facilement accessibles car éloignées des grands centres-villes et disposant de facilités de parking peut conférer un avantage. Seraient concernées par cette situation les gares situées en périphérie des grandes villes ou dans des villes moyennes peu congestionnées.
        1. Cette analyse est-elle partagée ? D’autres avantages liés à la maîtrise des gares existent-ils ?
        2. Le contrôle ex post par un régulateur des transports du caractère transparent, objectif et non discriminatoire des conditions d’accès aux gares routières constitue-t-il un moyen de limiter les risques liés à cet avantage ? Quelles autres solutions pourraient-être mises en œuvre pour limiter les risques liés à la maîtrise par un opérateur de transport d’infrastructures physiques comme les gares routières ? 

        2.AVANTAGES LIES AU CONTROLE DES DONNEES DE TRAFIC ET DE LINFORMATION MULTIMODALE
        350. Dans un contexte d’ouverture à la concurrence des marchés du transport et de développement des technologies de l’information, l’accès aux infrastructures « immatérielles » stratégiques présente un enjeu au moins aussi important que l’accès aux infrastructures physiques. Les nombreuses plaintes ayant fait suite à la libéralisation du secteur aérien aux Etats-Unis en fournissent la preuve. Comme le documentent D. Encaoua et A. Perrot84, avec l’ouverture à la concurrence du secteur aérien aux Etats-Unis, les 

        82 Voir sur ce point White P. et Robbins D. (2012) précités.
        83 Décision de la NCC espagnole du 4 avril 2008 à l’encontre de la société ESAMSA (« Estacion Sur de Autobuses en Madrid, S.A. »).
        84 D. Encaoua et A. Perrot, Concurrence et coopération dans le transport aérien en Europe, Commission des Communautés Européennes, 1992, Bruxelles. 

        systèmes informatisés de réservation (SIR) se sont révélés être, pour les transporteurs les ayant développés, de puissants « instruments de domination du marché du transport et d’éviction des concurrents ». Diverses distorsions du processus de concurrence, en termes d’accès, d’affichage et de tarification ont en effet pu être observées et condamnées par les autorités américaines85.
        1. Ces faits, bien qu’anciens et relatifs au secteur aérien, peuvent être riches d’enseignement pour le secteur du transport terrestre. Ils mettent en effet en évidence que « l’ouverture de l’accès aux SIR, la neutralité des règles d’affichage sur les écrans, l’uniformité des redevances, l’absence de relations privilégiées entre compagnies et agences de voyage [sont] autant de conditions nécessaires pour l’obtention d’une transparence du marché (...) et le maintien d’une certaine concurrence dans le transport », qu’il s’agisse de concurrence entre opérateurs de transport routier (concurrence intramodale) ou entre acteurs proposant des modes de transports complémentaires (concurrence intermodale). Plus précisément, les données de fréquentation d’un mode de transport permettent une meilleure anticipation de la demande adressable (a) tandis que les données relatives aux horaires permettent l’élaboration de calculateurs d’itinéraires multi-modaux (b). 

          a) Une meilleure anticipation de la demande adressable
        2. Plusieurs parties prenantes, pas seulement des opérateurs, ont fait état de l’avantage qui pourrait être retiré de la connaissance des données de fréquentation des autres modes de transport collectif, en particulier du mode ferroviaire. Des informations sur les trafics, mais aussi, plus simplement, sur les liaisons existantes, permettraient aux opérateurs de faire des projections en amont de l’ouverture d’un service sur une liaison, quand certains admettent procéder, à l’heure actuelle, un peu à l’aveugle.
        3. Ces données sont présentées comme étant d’un intérêt limité dans le cadre réglementaire actuel qui contraint les liaisons en cabotage qu’il est possible d’ouvrir mais elles pourraient être amenées à devenir un élément clé dans le cadre futur. Elles sont, quoi qu’il en soit et comme déjà souligné, indispensables à l’appréciation du degré de concurrence intermodale et de ses effets.
        4. Dans le même ordre d’idées, le fait de déjà disposer d’un large fichier clients / d’une large base de clients, et a fortiori d’usagers du transport international par autocar, peut représenter un avantage majeur sur un marché naissant -le transport intérieur par autocar- où la clientèle est encore largement à constituer. 

          b) Un positionnement privilégié sur le marché des calculateurs d’itinéraires
        5. Le projet de loi décentralisation contient un volet « open data » qui prévoit que les collectivités organisant le service public de transport (communes pour le transport conventionné urbain, régions pour les TER) mettent à disposition les données s’y rapportant. Mais, dans ce projet de loi, rien n’est prévu concernant le transport collectif non conventionné, comme le TGV. Or, seule la SNCF dispose des informations relatives au service de transport ferroviaire par TGV. Cela pourrait entraîner un biais entre les modes, les calculateurs d’itinéraires intégrant la plus grande variété de modes étant les seuls susceptibles de se développer. 

          85 Pour des détails sur les pratiques abusives liées aux systèmes informatisés de réservation dans le secteur aérien aux Etats-Unis, voir Encaoua et Perrot (1992) précités, pages 112-118. 

        1. Surtout, la SNCF a déjà mis en place son propre calculateur d’itinéraire, appelé « My Trip Set », qui intègre toutes les données de transport collectif à l’exception des données relatives au transport urbain. Plus exactement, en matière de transport urbain, ce système d’information n’intègre que les données de Keolis. Un site internet utilisant ce système d’information a déjà été lancé à titre expérimental.
        2. Le calculateur d’itinéraire « My Trip Set » fournit plus d’informations que Voyages- SNCF, qui ne présente que les itinéraires gare à gare. Ce calculateur d’itinéraire, qui est à l’état expérimental, a vocation à être multimodal, de manière exhaustive, et à calculer des itinéraires portes à portes. A ce stade de l’instruction, aucun équivalent à « My Trip Set » n’a pu être identifié en France. Cela supposerait d’obtenir les données de Voyages-SNCF, des services de transport par autocar départemental, etc., mais aussi les données relatives au transport aérien.
        3. Aussi, si le marché des calculateurs d’itinéraires terrestres multimodaux devait se développer, à l’heure actuelle, la SNCF en aurait le monopole de fait. Une telle position lui conférerait un avantage sur le marché du transport par autocar, dont la clientèle est jeune et réalise la grande majorité de ses achats via internet.
        1. Cette analyse est-elle partagée ? D’autres avantages liés au contrôle des données de trafic et de l’information multimodale existent-ils ?
        2. Quels moyens pourraient-être mis en œuvre pour limiter les risques liés à la maîtrise par un opérateur de transport d’infrastructures immatérielles comme les données de trafic d’autres modes ? La centralisation par un régulateur de données de trafic relatives à différents modes de transport constitue-t-elle un moyen de limiter ces risques ? 

        C. AVANTAGES LIES AUX MOYENS D’UN MONOPOLE HISTORIQUE
        1. Une assise financière solide, de même qu’une forte image de marque, peuvent placer l’opérateur les détenant dans une position telle qu’elle dissuade l’entrée de concurrents.
        2. Ainsi, par exemple, l’Autorité de la concurrence a-t-elle indiqué, dans sa décision relative à la prise de contrôle conjoint des sociétés Keolis et Effia par les sociétés SNCF- Participations et Caisse de Dépôt et Placement du Québec, que la puissance financière de la SNCF pourrait lui permettre de supporter dans le temps des pertes élevées dans le cadre de ses activités de diversification et, par conséquent, de se livrer à des pratiques de prix prédateurs sur les marchés sur lesquels elle entend se diversifier ou qu’elle souhaite protéger de la concurrence86.
        3. Sur le marché anglais du transport collectif par autocar, il a été montré87 que l’opérateur en place, National Express, s’était appuyé sur sa puissance financière et sur son réseau de commercialisation des titres de transport pour soutenir une politique tarifaire agressive à l’encontre de ses concurrents nouveaux entrants. En adoptant une telle stratégie dès l’ouverture du marché, l’opérateur historique aurait acquis une réputation de « prédateur » 

          86 Décision 10-DCC-02 du 12 janvier 2010 relative à la prise de contrôle conjoint des sociétés Keolis et Effia par les sociétés SNCF-Participations et Caisse de Dépôt et Placement du Québec. Voir aussi avis 09-A-55.
          87 Thompson D. et Whitfield (1995) précités. 

          qui aurait constitué une importante barrière à l’entrée de nouveaux opérateurs sur le marché longtemps après sa mise en œuvre.
          362. L’avantage tiré d’une assise financière solide, qui plus est lorsqu’elle s’accompagne d’une grande notoriété, peut aussi se traduire par une asymétrie des moyens de communication entre opérateur de grande envergure et opérateurs de taille plus modeste. Or, il ressort de l’instruction que, dans le secteur du transport par autocar, qui souffre d’un déficit d’image, les coûts de marketing constituent une barrière à l’entrée élevée, voire la principale barrière88

          D. RISQUE D’ENTENTES DANS UN SECTEUR FONCTIONNANT EN GROUPEMENTS
          1. Comme dans tout autre secteur d’activité, il existe, dans les secteurs des transports où s’exerce une concurrence sur le marché, un risque de collusion. Le Conseil de la concurrence a d’ailleurs sanctionné deux compagnies assurant des liaisons maritimes entre la France et les îles anglo-normandes pour entente sur le prix des traversées89.
          2. L’activité de contrôle des ententes horizontales dans le secteur des transports a cependant, jusqu’à présent, essentiellement porté sur l’examen des nombreux accords explicites d’alliances y ayant vu le jour, en particulier le secteur aérien.
          3. Il existe en effet dans le secteur des transports une forte demande de coopération de la part des acteurs de sorte que la constitution d’alliances entre compagnies s’est multipliée au cours des dernières décennies. De telles alliances ont par exemple vu le jour dans le transport maritime intercontinental de marchandises, dès les années 1980, et ont également pu se nouer dans le transport ferroviaire90. Mais c’est dans le secteur du transport aérien que ces alliances d’envergure nationale voire internationale sont les plus emblématiques et les mieux documentées.
          4. Dans le secteur du transport routier de voyageurs, les groupements d’entreprises ne sont pas rares, tant dans le secteur du transport scolaire que dans celui du transport routier international.
          5. Or, si de tels arrangements organisationnels peuvent permettre de dégager des gains d’efficience et notamment de bénéficier d’effets de réseau, ils peuvent aussi être le support d’accords horizontaux collusifs91

            88 C’est notamment ce qui ressort des analyses de P. White et D. Robbins (2012) précités et de M. Leiren et N. Fearnley : « Public funding to long distance buses : An entry barrier or a necessity ? », Document de travail, International Conference Series on Competition and Ownership in Land Passenger Transport, 2007.
            89 Décision 04-D-74 du 21 décembre 2004.
            90 Création de Rail team, regroupant sept compagnies ferroviaires dont la SNCF, la SNCB, et la Deutsche Bahn, et trois de leurs filiales communes en juillet 2007 ; Création de TEE Rail Alliance, regroupant les compagnies ferroviaires allemande, autrichienne et suisse en juin 2000.
            91 Sur ce point, voir en particulier Van de Velde D. (2009), Long-distance bus services in Europe: Concessions or free market ?, OECD Discussion Paper No. 2009-21, qui mentionne une enquête réalisée par l’Autorité de concurrence norvégienne. 

          52. Cette analyse est-elle partagée ? D’autres avantages liés à l’image de marque ou à l’assise financière existent-ils ?
          1. A l’instar de ce qui peut être observé dans le secteur aérien, l’organisation des autocaristes en groupements ou associations pourrait permettre de réaliser des économies de taille et de densité92 qui, dans un environnement concurrentiel, bénéficient aux consommateurs. Toutefois, dans le transport aérien, de telles économies reposent sur l’organisation de réseaux en étoile (dits « hub-and-spokes »), dont on peut se demander si elle serait pertinente dans le secteur du transport par autocar, du fait des temps de parcours importants.
          2. Plus probablement, un des gains attendus de l’organisation en groupement des autocaristes est l’amélioration de l’offre de services, en termes de destinations et d’homogénéité de la qualité. Mais, de tels arrangements sont également susceptibles de relâcher la concurrence entre les membres du groupement, en particulier sur les liaisons sur lesquelles ils sont en mesure de proposer des offres alternatives. Dans un tel scenario, le groupement servirait donc de support à une entente prenant la forme d’une répartition de marché.
          3. En revanche, il est probable qu’un accord entre opérateurs proposant essentiellement des liaisons complémentaires ait un effet positif sur le bien-être parce qu’il améliore l’interconnexion du réseau.
          1. Quels gains d’efficience l’organisation d’autocaristes en groupement permettent-ils de générer ?
          2. Le risque que l’organisation en groupement soit le support d’accords collusifs est-il réel ?
          3. La maîtrise d’un tel risque doit-elle relever uniquement d’un contrôle ex post par l’Autorité de la concurrence ou bien un régulateur sectoriel intervenant ex ante pourrait-il y contribuer? Dans ce dernier cas, quelle forme devrait revêtir son intervention préventive ? 

          Les parties intéressées ont jusqu’au 16 décembre 2013 à 18h00 pour transmettre leurs contributions, par courrier ou bien par mail à : 

          consultation-autocars@autoritedelaconcurrence.fr 

          92 Les économies de taille rendent compte d’une variation à la baisse des coûts lorsque la taille du réseau augmente, à densité constante. Les économies de densité rendent compte d’une variation à la baisse des coûts lorsque le trafic augmente, à taille de réseau constante.





1 commentaire:

Jean-philippe Battédou a dit…

Ca s'appelle un cartel non ? Une entente illicite ? Ah non ! On pourrait le faire sous la forme d'un monopole d'Etat ! La SNCF ! (Société nationale DE Car francais ! ) ah mince le nom est déjà pris et c'est juste un peu interdit ...